André Bernold, Lo Grand Eyssame d’abelhos par Éric Houser

Les Parutions

19 déc.
2024

André Bernold, Lo Grand Eyssame d’abelhos par Éric Houser

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André Bernold, Lo Grand Eyssame d’abelhos

e s s a i m

 

Il n’est pas exagéré de dire que le livre d’André Bernold que vous tenez entre vos mains, Lo Grand Eyssame d’abelhos, est un bijou. Un bijou sombre. Onyx, qui est dit renforcer l’intuition et les os, purifier et guérir.

 

L’auteur prévient (texte accessible sur le site de l’éditeur), qu’il se peut que son lecteur « ne pige pas » son livre. Auquel cas il voudra le relire. Il se peut qu’alors il le pige, un peu, moyen ou beaucoup.

 

Mais qu’est-ce que piger un livre, un poème ? Certainement pas le comprendre. Peut-être plus se laisser affecter, par sa forme, son son, son sens. Se le prendre en pleine figure, pourquoi pas. Ce serait un peu ça la prophétie. L’oracle.

 

Forme. Elle est parfaite, magnifique. « Composé de 4 quintils présentés sur une double page » (quintil : strophe de cinq vers), le poème « est un centon de Michel de Nostredame (Nostradamus) et Germain Colin Bucher ».

 

Un centon, c’est-à-dire un texte constitué d’éléments empruntés à d’autres textes (ici de deux hommes du XVIe), réarrangés pour composer le texte neuf. À l’origine, un manteau d’étoffe faite de plusieurs pièces cousues.

 

La forme du livre (l’objet) : c’est donc comme un écrin de papier, qu’il faut ouvrir avec un couteau sans dents, à l’ancienne. 8 pages (voir le titre de la collection, 8 clos), seulement 2 opérations de coupage, en haut (petit côté).

 

Le vers : décasyllabe (4 + 6), sauf un octosyllabe page de gauche, deux alexandrins page de droite (ceux dont est issu le titre, le grand essaim d’abeilles). Le cœur de l’oracle, ce sont trois vers dont le premier commence par « après ma mort ».

 

La formule de ces trois vers, énoncée une première fois au premier quintil (vers 3 à 5) est reprise presque à l’identique au dernier (vers 18 à 20), soit tout à la fin du poème. Visuellement, cela ressemble à un chiasme.

 

Après ma mort, quoi ? Je vous ferai la guerre. Autrement dit je ne vous laisserai pas en paix. Je me rappellerai à votre bon souvenir, à votre conscience. Je vous ferai regretter de vous être comportés avec moi ainsi que vous l’avez fait.

 

Ce n’est pas dit dans le poème. J’invente. Mais la guerre (d’outre-tombe) qui est invoquée est d’abord politique. Contre un oiseau de proie, aigle qui symbolise peut-être le pouvoir royal. Contre les « longs cheveulx de la Gaule celtique ».

 

Contre les pouvoirs, donc. Quelle qu’en soit la forme. Et j’ajouterais : contre la société. L’oracle est d’autant plus fort que la forme est réglée, bellement, dans la douceur de la langue. Cette langue qu’André Bernold sait si bien chanter.

 

Il y a un deuxième cœur, les deux alexandrins du poème : Lo grand eyssame se leuera d’abelhos / Que non saran don le siegen venguddos. Laissons-les s’inscrire dans notre mémoire, essaim de lettres dont on ne peut dire d’où elles viennent.

 

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