Génie du christianisme, de Chateaubriand par Claude Minière
Chateaubriand lecteur de Milton, de Dante, d’Homère. - BOUQUINS a procuré en mai 2021 l’édition en un seul volume des 1000 pages de « Génie du christianisme », « Pamphlets » et « Essais historiques ». Ce qui offre l’occasion de mesurer l’aptitude de Chateaubriand à convoquer pensée critique, œuvres, et langues (français, hébreu, grec, latin, arabe, anglais…). L’auteur excelle aussi, sans forcer, dans l’art de frapper une formule. On se souvient peut-être de, entre cent autres, l’admirable « joie effrayée » qui vient se poser dans une page des Mémoires d’outre-tombe ; ici, quand le lecteur s’emploie à comparer les mérites de Milton et de Dante on admire comment le cœur de l’entreprise est clairement décelé. On peut reprocher au Paradis perdu, ainsi qu’à l’Enfer, un défaut dans l’usage du merveilleux : « le merveilleux est le sujet et non la machine de l’ouvrage. » Puis, suivant toujours le génial poète de Paradise lost mais le confrontant maintenant à un « esprit ordinaire », Chateaubriand nous offre un de ces points d’orgue d’une simplicité désarmante. Il écrit, je souligne, page 157 : « Un esprit ordinaire n’aurait pas manqué de renverser le monde au moment où Eve porte à sa bouche le fruit fatal ; Milton s’est contenté de faire pousser un soupir à la terre qui vient d’enfanter la mort : on est beaucoup plus surpris, parce que cela est beaucoup moins surprenant. »