Quel avenir pour Cavalcanti ? par Claude Minière
De quoi parle Cavalcanti ?
La pensée était endormie, Amour la réveille. C’est le fruit d’un regard, la Dame est apparue, le cœur en a été percé, traversé. Mais de ce réveil violent la vie a plongé dans l’angoisse, car l’Amour, plutôt qu’unir, brise ; il brise le cœur, les membres, les espérances. L’homme peine alors à rassembler ses esprits, tout menace de se disperser. Mais campe une figure nouvelle…Destruction et résurrection. Ephémère et éternité. Lenteur et fulgurance. Guido Cavalcanti décrit ces mouvements. Il parle de l’Amour, de la noble Dame, des poètes, des intermittences du cœur et du corps --- mais, plus encore, il expose sa ténacité. A coups de légèretés poétiques, il présente un choix lourd de conséquences, un choix exclusif. Dans les variations musicales des sonnets et des ballades, il ne variera point d’objet, il maintiendra leur ostinato.
Qu’est-ce donc que l’Amour ? Un emportement, un ravissement de la lumière, du désir jamais comblé mais vous sidérant, vous défaisant et refaisant. La lumière assurément chez Dante sera Dieu, et l’Eglise. Chez Cavalcanti ? La Beauté inaccessible --- et ses tourments. La connaissance de ces tourments. Je formule sa devise : « Comprenne qui pourra ».
Se plaindre de l’Amour, n’est-il pas depuis les Prophètes et David le lamento affirmant un individu en face des puissances qui le dépassent ? Ne parler que de l’amour, n’est-ce point embrasser tout le drame de l’humain ?...De l’amour et de la Mort, des contradictions et de l’harmonie, de la fidélité et des infidélités. Le fantasme de perfection va questionner la rigueur des lois, il va appeler du langage, motiver le langage,
dire : Que celui qui ressent grand chagrin
voie celui-ci et il verra son cœur
que mort il tient en main, taillé en croix
Sonnet
La voix et la vue portent témoignage, testament. Cavalcanti parle de vœu éthique, du choix de s’en tenir strictement à une détermination.