Père ancien, Charles Pennequin par Claude Minière

Les Parutions

03 déc.
2020

Père ancien, Charles Pennequin par Claude Minière

Père ancien, Charles Pennequin

 

 

Fruit du Finnegans Joycien, du Pas moi de Samuel Beckett, des souples brusqueries de Christian Prigent ?  Il existe bel et bien aujourd’hui dans la poésie française une nouvelle manière d’écrire : une sorte de coupure-suivie ou rupture-continue. Père ancien en offre un exemple affirmé.

« parce que c’est trop fort se dit arthur qu’est-ce que j’ai bien
pu foutre de ce cadavre moche arthur devait se débarrasser mais il
a rappliqué en murmurant ça cloche »

(« Et tout ça finit toujours en drame », l’un des dix-huit morceaux que recueille le volume, et qui sont issus de 23 années de publication).

Pennequin (prédestiné à la pointe, pen ?) excelle à nous placer dans le train des réminiscences et réflexions, train qui charrie changements de registres et de temporalités s’appelant les uns les autres.  Le fond ? La famille souvent, la vie dure, la mort…L’angoisse aussi, dans une autre cadence cette fois, moins dans la saisie réaliste et plus dans la conduite modulée :

« Je crains
que perdre la main
qui écrit qu’est rien
le vent du cimetière la terre
qui tient entre mes doigts »        (« Bine », 2003)

ou :

« Ici vide
entre deux
et les forces
à planter
l’étant d’où
y a plus rien
que la mer d’où
se rendre »                                    (ibid.)


Mais aussi le ciel :

« ciel bleu l’air
en bas le bras
sied la braise
a plein d’âmes 

ciel bleu signe
le rire dans la
rue la rumeur m’abuse
de plain-pied »                                (« Ciel bleu, 2019)

Donc, des sauts – ou des effondrements – de logique, qui déjouent la syntaxe programmatique,  des « raccords » bizarres*.  Et le corps qui s’y tient autrement, le corps qui épuise son départ, met ses voix dans la voie (monotonie plurielle), hors la tonalité de poésie classique.  De plain-pied avec des cahots.

 

                                                                                         

 * Le cinéma et ses plans-raccord ont peut-être aujourd’hui préparé le lecteur à en accueillir la concaténation.

 

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