3 titres de Leopoldo Maria Panero par Christophe Stolowicki
« J’ai commencé à écrire des poèmes à l’âge de cinq ans. Je les dictais à ma mère ». Pas des singeries tournant court – un âge d’or tombal. De père aède officiel du franquisme, de mère de tradition républicaine – drôle de ménage –, déchiquetant le lyrisme il a tôt pris parti, « papillon fragile comme l’air qui voudrait seulement une épingle pour éviter la chute ». Leopoldo Maria Panero (1948 – 2014), le dernier en date de nos grands asilaires, en soubresaut dans la lignée d’Artaud, Rodanski.
Exsangue en contrepoint de sa précocité, mort-vivant à traits brisés de suppurants joyaux interrogeant le néant, à rafales graves lentes associant le scatologique et l’ajour, se tordant retordant ainsi qu’un ver tronçonné à coups de hache, un poète à bout touchant dans le blanc des yeux nous retourne le fond de l’œil. De logique tempétueuse empestée, une mort déjà actée de la philosophie que seule la poésie ramasse, un pot-pourri de la pensée que seule la poésie embrase embrasse. Quelques journées en rafales d’un quotidien d’aliéné, dans un bref extrait de Journal débutant à rebours, un hoquet renouant avec une temporalité distendue. L’héroïne : « diamant », « supplique », « or dans l’excrément pour que le hurlement meure », pas une rimbaldienne Hortense ; « l ‘aiguille mord et fait mal / j’ai des cactus dans les bras » ; « l’aiguille lente dessine un cerf entre mes veines ». Des électrochocs, rendus avec usure. Porteur de stigmates un corps détruit. Passant à la ligne suivant l’articulation faussée naturelle, de simple jamais simple respiration se détachant de son attache sans rejet ni enjambement, ou se déboîtant de relative en relative, la véritable poésie se moque de la poésie.
Le cri dégluti, une ascèse de la déréliction. Écrit aussi à Mondragon, Peter Punk est Pan, en réponse à un père qui l’a arraché à huit ans au poème pour ne pas qu’il « vire pédale ». Pamphlet enflure de « l’ombre priant l’ombre », imprécations en cascade, proférations reposées décantent « la lie du souvenir ».
De Cédric Demangeot et Victor Martinez la traduction fusion à cru, le français sourcier (Mallarmé cité plusieurs fois en exergue) devenu le génie d’une langue lissant, abolissant sa rhétorique.