Gestes de Boris Wolowiec par Christophe Stolowicki

Les Parutions

27 nov.
2019

Gestes de Boris Wolowiec par Christophe Stolowicki

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« Utiliser son sexe en érection comme télescope à toucher le visage de chute du ciel. »

 

Ce ne sont pas des aphorismes. Ni des brèves, bien qu’ils tiennent en une ou deux lignes de prose. Mais des poèmes. Pas des monostiches (pas plus que distiques ni tercets que terre sait comme on sème, comme on s’aime l’être à la main). Mais des variations – non comme femme ou forme varie mais comme de grand fond(s) l’on épelle ses avatars.

 

« Éjaculer l’équilibre de son sexe comme sommeil de son odeur. »

 

Solitude de moinillon. De moine on y trouvera à foison de matines la vêprée des siècles. Non, ils n’ont pas prié en vain, ne se sont pas flagellé l’essence, l’essaim des sens en vain si en jaillit un poème. À l’amont de Dieu, à son ubac.

 

À s’en imprégner de plus près, tous ces gestes sériels, souvent par correctrices adjonctions successives, vermiculaires ou rompues net – beat de flagellant – articulent, au socle anaphorique d’impérieux infinitifs, leur impératif non-être : « Affirmer l’existence comme prétexte de l’extase. / Affirmer l’existence comme prétexte de la respiration de l’extase. / Affirmer l’existence comme prétexte d’extase de la catastrophe de respirer. » 

 

« Dormir paré par l’incroyable de la respiration. / […] Dormir enraciné au futur antérieur. / Dormir parfumé par la vivacité de son désespoir. / […] Dormir sculpté par le tonnerre d’infinité du feu. / […] Dormir comme le poignard de clandestinité du ciel. » Je dois simuler l’explication de texte pour mieux sombrer à étiage, me hisser à étage de ce vademecum, de ce retro satanas dans la nasse attiré – à tirets – atterré. Je dois faire la part du feu – ne peux que feuilleter plus effeuillé que moi, plus emmuré, plus hérissé de tessons de silence.

 

« Phraser la lévitation affriolante du tonnerre ». « Composer des phrases avec la prolifération de solitude de la syncope. » Il se connaît mieux que je ne le connais, se méconnaît pis que je ne le connais. Tel Philippe Jaffeux (sans ses raisons de santé), ad majorem gloriam de l’écrit il a tiré un trait sur sa vie, une mise en abyme, un extrait d’abîme, un trait d’union sismique avec la réplique d’un séisme primal.

 

Si silence m’était conté.

 

Si silence, si sapience, si dissonance m’étaient comptés, ah Boris  mon ami, en la grant joye de paradis.

 

Mais bientôt, « au trait d’esprit efficace du silence », au « gag de clarté par contumace de la respiration », à me laisser, en « viande aisée », « Adresser la parole comme totem de souffle acéphale de la solitude », « Déclarer la respiration comme cathédrale de clarté du coma » – je remonte sous cloche à la surface des temps nouveaux où bataille le bétail  de mots profanes, inédits en poésie. Si engoncé dans la pierre monastique soit-il, Boris gagne à cette pollution. Comble d’impiété, on a installé la télévision aux recluses de la chapelle de La Vergne.

 

La récurrence d’ « alibre », de « scandeur », crase ou envers de crase de l’ubuesque noreille, du jaffien hasart.

 

Surinvestis les mots ? Au diapason de l’espace-son où le Temps bascule en « bégaiement » d’un infinitif. Sacrifiée la vie ? En l’espace-temps d’un Soi cascadeur le sexe démonétisé. Au Verbe transférées la montée adjonctive, superlative, la péroraison, la chute libre de l’orgasme. 

 

Mise en tropes d’une misanthropie.

 

Transiter de l’anaphore à l’épistrophe par la grâce tournante d’une poignée de substantifs en mode déverbal. De paraboles en tropismes hâter, hanter, enter son entropie. D’aporie en aporie convulser l’impasse en espace. En équilibre surabondant préserver un en deçà de la profération. Pour intensifier le beat, dédoubler l’aphorisme, l’explorer, le forer.      

 

Les allitérations (« Toucher la cible d’oubli du ciel ») parentes pauvres. Le « crâne », davantage que le « squelette », revient beaucoup sans mention particulière de memento mori. L’oxymore (« Apparaître athée par miracle », « Ourler une fenêtre avec un cyclone ») se resserre en gageure. « Lire avec éloquence » – oui, plus difficile qu’écrire.

 

Passe encore pour « l’aisance impardonnable du plaisir à l’intérieur des abattoirs d’enfants ». Mais n’eût-il pas mieux valu supprimer « Détruire les simulacres d’hommes qui parasitent la terre afin de contempler l’océan avec une joie impeccable » – délyre ou présomption, le mal sacré d’un massacré ? 

 

 

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