Joseph Karma, de Denis Hamel par Christophe Stolowicki

Les Parutions

23 avril
2022

Joseph Karma, de Denis Hamel par Christophe Stolowicki

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Joseph Karma, de Denis Hamel

Zoom avant pour ce peu, zoom arrière toute. Ou l’autofiction, le peu de totofiction, par un poète à l’encontre de tout le poétiquement correct et le spectaculaire ; d’une voix, modeste, dérisoire – parfois dérisoirement furieuse, pas ici – mais authentique, nourrie d’un sens critique qui ne se paye pas de mots.

Dans son cheminement de termite kafkaïen, Joseph K., dit encore Joseph Karma, porte son karma comme une croix, croix de fer, croix d’abois, celui (l’aboi) dont on fait les maudits, l’homme au dit de ce pas qui ne transpire pas, qui ne transmigre pas et dont la transe, je le répète (adverbial de saisissement, gagné par le confort) est désespérément modeste.

De l’autofiction l’évacuation nécessaire, la charge commode, Joseph Karma est bien Denis Hamel (né en 1973) tel que je le connais (non, mais l’imagine), il est sa caricature salubre et défécatoire. Toute l’horreur familière dont il se préserve tenue à bout de bras, en (dé)pose toute prose les bras ont bien lâché.

« Quand ils parlaient de sa vie privée, il arrivait que le père de Karma soit gêné. Il savait qu’à trente-six ans, Karma n’avait jamais, jamais eu de vie sexuelle […] Il savait que quelque part il y a un placard, et que dans ce placard repose un petit enfant mort, à moitié pourri et décomposé. Il savait que ce petit enfant mort, à moitié pourri et décomposé, c’est la vie sexuelle de Karma. »

Déréliction, déchèterie de sa vie, à l’encontre de son âme touffue et droite, et lucide. Quelques théorisations sur la vie.

(Tant qu’à faire, l’autofiction manque de mère.)

Le tempo des chapitres celui – l’allegretto ressort – des mouvements de la musique classique.

Un rêve de train, le grand ordinaire, celui qui de gare en gare inconnues vous égare à jamais, bien narré.

En couverture une huile abstraite de Marie-Anne Bruch. Dans un agencement réfléchi de petits rectangles, la couleur vive naît au monde.

Une connaissance des psychotropes qui en trahit l’usage au long cours. Tout autant que la télévision, il hait le sport. Au seul mouvement du texte il est clair que la longue frustration sexuelle a trouvé une issue heureuse : bien rendue en couverture.

Il a échappé au destin de Kafka. Il n’a pas sa puissance poétique ni apoétique ni sa séduction. Mais une lecture (« la poésie ne peut pas, de par sa nature intimiste et pour tout dire secrète […] avoir d’effet sur les masses, ou alors ce n’est plus de la poésie, mais du grand spectacle, du divertissement, du marketing, ou du lavage de cerveau », dans la perche tendue en épilogue par l’éditeur) dont l’intelligence, la simplicité font outrageusement défaut à un grand fond de notre landernau.

 

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