L'apprenti dans le soleil de Frank André Jamme par Christophe Stolowicki
Un ouvrage superbe. L’absence de revers revêt d’un écrin d’aplats le siège d’écritures lentes, de poésie blanche qu’enchâsse l’ocre lumineux d’une couverture dédoublée de royal, tandis qu’en frontispice, au burin de James H.D. Brown quelques cercles de Kandinsky cillent biomorphes. Pagination discrète des seuls poèmes. De maîtrise impeccable, reprises efficaces, très composé très écrit mais sachant vertical étirer des connivences – un alanguissement étage ses stases, un savoir-faire aiguise, déguise son faire savoir. Palimpseste d’un temps oblong, tout en demi-teintes tenues à bout de bras, aux tournures familières bride lâchée à grand escient, un jeu nonchalant évidant la tension (« arbres / tendus à se rompre / entre le sol / et le reste »), encochée la flèche du Temps bruissante de son empennage, un arc décoche ses fleurs mouchetées. Le titre emprunté à Marcel Duchamp, dit l’auteur, spécialiste de Char, qui a travaillé à l’établissement de ses œuvres complètes dans la Pléiade. Un « apprenti », un « novice », un « néophyte », un mallarméen de Char s’abstient de rouvrir la blessure la plus rapprochée du soleil. Avec parcimonie, avec autorité, de monostiches en distiques, tercets charnus, rares quatrains, quintils fourbus, un poète à la manœuvre, du sextant affûte le compas de deux ; en « conversion du curare / en élixir » un plus vulnérable que vulnéraire sait se garder de trop rapprocher sa blessure de son soleil. Flotte un peu de mépris d’un qui n’a pas raison dans tous ses mépris. Autoportrait en creux, en éthique, d’une fragilité de bel aloi lucidement en arrière d’un arroi solaire. En « poudres / d’espoirs broyés / simple couleur sable » l’amertume de Char a mué.