Le mendiant sans tain de Philippe Leuckx par Christophe Stolowicki

Les Parutions

20 janv.
2020

Le mendiant sans tain de Philippe Leuckx par Christophe Stolowicki

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Dans une flaque de Temps, de temps ourdi à vivre de ce peu, le bout des mots en fin de langue, de fond de langue, cette bifide que le mètre ajoure mais ne fend plus de tierce en quarte, le poète mire son impressif visage sans teint ni mètre défini, qui de prosodie pesée et trébuchée prend les couleurs passées d’âge en âge d’un mendiant sans tain. Ce miroir intact, puis brisé, que lui tend Joëlle Aubevert, dont un impact de balle ou de caillou rompt ou érafle le pacte avec soi dressé et tenu, l’espace de quelques vers – invite à lire très lentement. À loisir à s’imprégner de Soi, cet irrépressible vieux mendiant.

« Graver le visage du temps / De l’âge sur l’aire pâle du visage ». Dans la recharge rimée du rejet court un autre texte qui déteint au miroir sans tain.

À y regarder de plus près, ou mieux entendre une musique sourdre, cela surtout de poème en poème – de « patience » en « transparences », de « transhumance » en « déshérence », de « mer » à « travers », d’« envers » à « lumière », quelques rimes têtues assourdissent les douleurs de l’être en souffrance d’en deçà. Adossé le mendiant au pied d’un vitrage, il « pèse au cœur / De n’être qu’un reflet / De l’autre côté de la vitre / Ou de la vie » d’auteur. Une amortie de trottoir, au pas pressé des passants, d’un lob cérébral feinte du fond du Temps. S’attarde là un peu de la tendresse baudelairienne pour les bons chiens ou les petites vieilles, sans le retour de bâton du mauvais vitrier ni d’assommons les pauvres qui rendent la fausse monnaie avec usure. Ici tout est de bon aloi.

« Parfois un souvenir étoile un front éteint ». Sur le trottoir, vivre « Dans la plus pure des transparences ». Invisible aux « passants qui avaient cessé de le voir », tel le mendiant est le poète.   

 

 

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