Les aventures du poète, 50 contes ... par Jean-Marc Baillieu
Seule fausse note de cet ouvrage (par ailleurs digne d’éloges) cette phrase de la préface : « Aujourd’hui, nous ne trouvons la poésie pas même dans les librairies. » Il faut battre en brèche cette idée qui ne reflète pas la réalité d’autant qu’Internet permet aussi l’accès aux livres. Certes, le rayon Poésie de nos librairies n’est pas le moins étique, mais on y trouve couramment les volumes de la collection de poche Poésie/Gallimard qui s’est bien étoffée grâce à ses directeurs successifs depuis plus de 50 ans : si ça n’était pas rentable, Gallimard l’aurait supprimée, et la collection Points du Seuil n’en aurait pas non plus proposé. Hors poche on trouve aussi en librairie des livres de la collection Poésie de Flammarion (née en 1985), et même d’artisans-éditeurs (terme préférable à « petits éditeurs ») inventifs et passionnés de toutes régions (ce que promeuvent localement les librairies). Notons que la commission Poésie du Centre National du Livre accorde depuis des années des aides aux libraires souhaitant créer un rayon Poésie. Rappelons aussi que les livres de poésie sont dits « de rotation lente », qu’ils se vendent sur le long terme : Alcools d’Apollinaire a dépassé le million d’exemplaires vendus en Poésie/Gallimard où Les fleurs du mal (Baudelaire) et Capitale de la douleur (Eluard) dépassent les 500 000 exemplaires. L’anthologie Pièces détachées (Pocket, 2000) de J-M Espitallier flirte avec les 30 000 exemplaires tandis que l’imposante (1530 pages, 39 euros) anthologie Flammarion (2017) d’Y. di Manno et I. Garron approche les 4000 exemplaires. La majorité des romans font-ils mieux ? La poésie est bien vivante, ce site et d’autres le prouvent, de même que toutes les lectures, rencontres, festivals organisés dans l’hexagone qui satisfont un lectorat impliqué.
Il est vrai cependant que la figure du poète contemporain n’est guère présente dans notre paysage audio-visuel, voire dans notre imaginaire culturel et sociétal, ce qui n’était pas le cas il y a plus d’un siècle et ce qu’opportunément vient rappeler l’anthologie Les aventures du poète. Mise en œuvre par un spécialiste de l’époque, Grégory Haleux, elle « réunit 50 contes publiés entre 1882 et 1925, dans lesquels le poète est le personnage principal » qui plus est agrémentés de savoureux dessins de presse souvent caricaturaux. On ne s’ennuie aucunement, on sourit, on rit même à lire ce florilège judicieux dans lequel des noms connus (J. Renard, T. Bernard, A. Allais, Franc-Nohain, F. de Miomandre,…) côtoient nombre de moins connus : Grégoire Leclos (L’in-8 enchanté), Jules Vincent (La puce et le poète), Marcel Dalti (Les rimes et le pâté), Léon Valbert (Une rime laborieuse), Georges Auriol (La manufacture de sonnets) parmi d’autres qui vous réjouiront à tout coup, d’autant qu’accompagnés de copieuses notices bio-bibliographiques illustrées qui les tirent de l’oubli. Ne regrettons cependant pas la dite Belle Epoque, la nôtre, si elle l’exhibe moins, semble plus favorable à un microcosme qui ne manque ni de poètes, ni d’éditeurs, ni de diffuseurs, tous promoteurs d’une variété ouverte à une intense inventivité appréciée d’un lectorat curieux.