Ni de Dominique Meens par Jean-Marc Baillieu
MEENS 2020
Couverture grise, sobre si ce n’est spartiate et, en guise de quatrième de couverture deux paragraphes aux lignes barrés au feutre noir, voilà de ce livre une première approche sibylline si ce n’est éNIgmatique. Lecteur, passe ton chemin ? Ou : Dominique Meens (l’auteur) Ni(e) Pontcerq (l’éditeur) ? Trop facile. Moins incertaine l’épigraphe : « L’homme, toupie fouettée par le destin, se croit le pivot du monde. » Citation (non située) de Victor Hugo potentiellement sujet d’une dissertation, hypothèse confirmée page suivante par l’auteur « ballant par les chemins sa lanterne en plein jour, cherchant l’homme qu’il est. » « Car il ne sait ce qu’est être lui-même. »… Mémoire, souvenir, réminiscence : de Meens L’ornithologie du promeneur (éd. Allia, puis P.O.L) a laissé une empreinte marquante avant l’étonnante série des Aujourd’hui… (éd. P.O.L). Donc forestier, avançant à pas de loup pour ne pas déranger l’ordonnancement naturel, « Le promeneur se souvient… » ouïe aux aguets, yeux en visière, narines frémissantes peut-être, toujours est-il que oiseau (qui s’occupe), chevreuil (qui aboie), « homme sortit de l’ombre », éloignement du cervidé, « le promeneur rentra chez lui, ça n’était vraiment pas loin », morale « torse » de l’histoire, « qui croise le chevreuil n’a pas besoin d’écrire » : alors pourquoi près de deux cents pages encore ? Faisant (non sans « t ») mon malin, je pourrais m’en tenir là, un effet, une claque…
Parce que de même génération avec quelques racines et admirations communes, Meens et moi étions copains (cf. Lettres à Lord JiM, Cynthia 3000). Sensible et réceptif à ce qu’il écrit, je le lis sans effort avec un intérêt lecteur, scripteur et critique… Après l’introduction, le menu (sous l’alambiqué titre « Toupies de ni –roman ha-ha ») explicite (sous le nom d’auteur de Léon Constantin Brahms, ficelle un brin facile) ce qui suit, le contenu qui panache (sans niaque ni panache) six dessins, une lettre, des traductions ornithologiques (aigle, faucon, vautour, corbeau,…) du grec, des observations d’histoire naturelle, des pièces radiophoniques, des poèmes, des « billets paysans d’Elien ». Pourquoi pas ? L’auteur sait faire…encore faut-il que la mayonnaise prenne, puisse prendre ! Quelques bribes autobiographiques (petit séminaire, militaire engagé, travailleur social avant écrivain à plein temps aux ancrages parisien, sarthois et rétais) sont bienvenues, les « 7 poèmes maigres » impeccables, la fable radiophonique médiocre car paresseuse, les « Plumes et poils » mieux venus et troussés que les « Billets paysans », les incises lacaniennes et réflexives concisément intéressantes, le final (Enregistrer avant de quitter, « aller au charbon ») réussi. On resterait donc sur une bonne impression, celle qui compte, comme la première, l’introduction (cf. supra). Mais entre introduction et conclusion, il y a le gros du livre…Testé auprès d’un lecteur et d’une lectrice chevronnés et curieux connaissant moindrement l’auteur et son oeuvre, le livre (auquel peut-être manque un goglu) apparaît un peu besogneux si ce n’est âpre (comme la police de caractère retenue) et aurait probablement gagné à une forme revue et corrigée (scories drastiquement exclues) mettant mieux en valeur d’indéniables qualités et réussites un peu dissoutes ici.