UNE GUÊPE, HIER (L4) par Jean-Marc Baillieu
Les lundis d’un confinement (4)
Oui, fi de virus ô combien ravageur, « la nature », elle, installe son printemps : fleurs et bourgeons, oiseaux rivalisant de ramages, comme si de rien n’était, et quand nous ne serons plus là, tralala, il en sera / ira de même, Tartalacrème ! (1)
« Ne pas tirer sur une ambulance » pour répondre à qui suggéra, parce que dirigées par un poète (Philippe Jaccottet), les traductions du volume Pléiade1967 Œuvres de Hölderlin : pour exemple confronter à l’original la traduction « en belle langue » par Jean Tardieu de l’hymne Der Archipelagus / L’Archipel. Hors poésie cependant, ce volume (non bilingue) vaut encore par les 312 lettres, les documents (traductions d’un type de prose moins sujettes à caution ou à obsolescence), et par les notes.
Important germaniste du XXème siècle issu de la « méritocratie républicaine », Joseph-François Angelloz 1893-1978 est, via sa thèse (1936) et la traduction des Duineser Elegien / Elégies de Duino, l’introducteur en France de Rainer-Maria (alias René) Rilke dont il a par ailleurs traduit le poème Orpheus, Eurydike, Hermes (2). Patrick Beurard-Valdoye (croisé pour la première fois il y a près de quarante ans à Paris dans la cour de la Bibliothèque Nationale - pas encore « de France », lors du premier Marché de la Poésie, devenu sulpicien depuis) renouvelle l’exercice en écho au court film des frères Quay Eurydice, she, so beloved, un écart par rapport au mythe habituel d’Orphée (3). A lire sur le site Poezibao avec lien pour l’original du poème et concise présentation par le scrupuleux traducteur, poète dans l’âme : « Sei immer tot in Eurydike-- », « Sois toujours mort en Eurydice--» (4)
Suite à la réflexion d’un destinataire de ces Lundis…, effectivement les Jehan ne sont pas que deux (Rictus et van Langhenhoven) en poésie, et saluons par exemple Jehan Molinet1435-1507, né en Boulonnais et mort en Valenciennois (Indiciaire chroniqueur officiel à la cour de Bourgogne entretemps), un des « Grands Rhétoriqueurs », promoteur de la liste (5) en poésie : « Royal raincel, révérente roÿne, / Rose rendant riche resjoïssance, / Rérifie réparable ruyne, / Romps rancune, ramaine récréance, / Riant rubis, rouge resplendissance, / Reboutte roit, riboteuse rudesse, / Rutilant rays, robuste, recouvrance, / Restraings rigueur, résuscite radesse. » (6)
Noter enfin que le passage à la dite « heure d’été » s’est accompagné d’un méchant vent de nord-est, une bise rappelant qu’en notre bas monde oui : « Le froid reprend place où il veut, quand il veut », comme l’écrivit fort justement feu Pierre Rottenberg (7). Et cependant, oui : une guêpe hier.
NOTES :
(1) pour saluer par son titre la fameuse revue d’Alain Frontier et de Marie-Hélène Dhénin : Ah ! Les années 1980 !
(2) dans un n° spécial Rilke de la revue Poésie. Elégies de Duino et Les sonnets à Orphée (bilingue), éd. Aubier Montaigne
(3) qui ne se limite pas à sa rencontre fatale avec Eurydice : cf. Pierre Grimal, Mythologie grecque et romaine, PUF, 1951
(4) Die Sonette an Orpheus, Les sonnets à Orphée, II.13
(5) Valery Larbaud : « Au discours, substituons franchement et hardiment la liste. La liste expose les faits sous une forme brève et commode, claire et frappante. » (Technique, Gallimard, 1932)
(6) Paul Zumthor, Anthologie des grands rhétoriqueurs, U.G.E. 10/18, 1978
(7) Le manuscrit de 67, éd. F.-P. Lobies, 1984