Please do not stock flat de Manuel Daull par Christophe Stolowicki

Les Parutions

04 oct.
2018

Please do not stock flat de Manuel Daull par Christophe Stolowicki

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Titres tamponnés garance sur un luxueux carton d’emballage filigrané, recyclé court & long – on ne stocke pas à plat un tel ouvrage mais en relief dans son fond(s) de langue bibliothèque murale. Fragiles les figures féminines du commerce de mémoire à brusquerie du souvenir. Larges tirets de scansion pensée – de dévissage ceux soulignant le blanc d’entre-deux vers, à l’intérieur du vers, le taupé du vers à vers. D’héroïne en victime, écrites, filmées, photographiées en quelque chose noir– sont semées de minuscules, moins minuscules astérisques.

 

Manuel Daull a le lyrisme concassé contemporain où la pensée à bris de glace, plus justifiée à droite à la butée qu’à la naissance de la page, se délasse en quelques rengaines, sous le pont Mirabeau coule la Seine, plus de détresses que d’amours, ou en ces femmes damnées, obsolètes condamnées par le plaisir à flotter ainsi qu’un vieux drapé de peaux flétries des premiers vers en l’adolescent marqués au fer quand il a fallu des siècles au bon La Fontaine. Un tragique infus au long cours imprime le cortex, court l’avers et le droit d’un fonds de librairie, commerce de vers luisants que tamise cet autre côté de la scène, l’immémoire.

 

L’on reconnaît, emblématique de cette dérive plurielle, en « traversées de port en bar » Duras l’innommée et son « amant // magnifique venu / la trouver là aux _ / Roches Noires / pour ne plus la quitter » ; on reconnaît, à ses cheveux courts et au F.B.I. qui la persécute, Jean Seberg l’innommée dans « cette image de _ / la jeune étrangère dans / un film de Godard / vendant le Herald Tribune sur les / Champs-Elysées » ; on méconnaît les glamoureuses inconnues sur papier glacé dont se soulève le masque de danseuse folle et froide qui se pâme / dans un sourire machinal, trahissant l’« esthétique du _ / cintre anorexie mondaine » ; on reconnaît la méconnue Camille Claudel à « son engagement / dans la sculpture / la trahison des _ / hommes », à ce qu’ « elle / sera internée passant / ainsi dans le plus grand /oubli les trente / dernières années de sa vie » – d’un tel contraste avec l’ignoble Paul Claudel.

 

Le colis retourné sur la bascule déprend à présent une plus large inspiration. Dans l’entre-deux proses poèmes des vers centrés en explicitent la souffrance, l’envoi mort-né. Les tirets à présent seule ponctuation hormis les quelques points qui poignent plus qu’ils n’interrogent ni n’exclament, à rendre raison comme seule la poésie. À perdre en langue ce que l’on gagne en souffle. À perdre laine laisse en place, de laisses en lais d’informelle grâce, tout ce que le soufflé n’a pas joué et retombe quand sous cocktail de psychotropes se rompent en trope à trope les vertèbres de la nuque contre un radiateur d’hôtel miteux plutôt que d’une suite de palace.

 

Ou le parti pris des femmes, leur cause en ses effets. Mais dont la rhétorique en un tête à queue archi-coudé tourne casaque tant il s’avère que fragiles, plus fragiles encore les hommes requièrent patience, compassion, voire passion brute SM – « je ne connaissais plus le désir de baiser, juste celui de mourir et de baiser par défaut », dit l’héroïne avant qu’à deux voix amébées, a et b également butées, hébétées, reprenne le récit poème, en deux cliniques histoires de vie comme dit le clinicien qui en tout poète sommeille, deux voix de femmes, voies de garage, de désancrage sinon de jardin de curé, grands crus de petite cuvée, réplique des glamoureuses.

 

Et que se déboucle aux deux voix de couple d’un fait d’hiver le poème roman. 

 

 

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