Revue L'intranquille, n° 14 par Christophe Stolowicki
Ouvrant ce numéro, la coquetterie d’un prix Nobel, Doris Lessing, ramassé dans le poétiquement correct. Thème central le refus, suscitant des contributions lumineuses.
Celle avant tout de Carole Darricarrère, de profération alternativement contenue et continue, chaque vers entre points morts (« .Oui mais non. »), ponctuée par le seul vers avers ; à la strophe suivante laissée haler. Le refus « légère claudication du oui » quand s’enclenche à l’arrêt la supersonique, l’insomnambule. My Sophisticated Lady, son air autisme du refus. À l’exception d’un « petit robot » de contrebeat, tout justifié à droite dans le mur de butée. De l’instrument de jazz le plus liquide, la guitare, l’emploi tranchant, martelant de Wes Montgomery. Soit le refus le plus affirmatif de grand midi, de matin calme, à l’âge de xénon où Nietzche est une femme. Haché grenu, le chant des partisans de Perrine Le Querrec, en quelques rafales en escalier (« À coups sourds / Des coups lourds/ […] // À coups fous / À coups forts / Des renforts […] // Des à-coups/ Tout à coup / Cou coupé / À coup court / Coupé court / La morsure / La mort sûre / À coût sûr ») mitraillant de limaille la masse de collabos consensuels que rien n’atteint. Un « exocalligramme » de Cécile Mainardi entrecroisant deux refus jusqu’à démonstration syntaxique, synoptique d’un oui. De Claire Dumay le rhétorique glissando circonstancié d’un refus du refus. Sur ce sujet les hommes font pâle figure.
Un hommage à Christiane Tricoit, meneuse de la plus belle, écrin en gris et blanc de blancs, revue parue sous le soleil, Passage d’encres, à telle enseigne qu’admis entre les draps de fine baptiste de ses gravures et photographies l’on pouvait difficilement désirer être publié dans un autre ouvrage collectif ; lectrice découvreuse infatigable suscitant des livres puissants, tant d’inconnus que d’auteurs primés ; bref, survenue en avril 2017, la perte irrémédiable d’une éditrice d’exception. Quelques notes de lecture dont ressort le souffle critique tout en voltiges et volutes de Jean-Pierre Bobillot.