Traduire le fantôme, de Sébastien Lespinasse par Christophe Stolowicki
Traduire le fantôme par temps de brouillard en floutant les lumières, à contrejour de nuit qui tombe lever l’ajour d’un lampadaire (photographie de couverture). Afficher son identité de poète qui depuis Shakespeare se réfère à cet auguste ascendant. Pour toute muse un fantôme par temps de brouillard, à grand ahan savoir le traduire, aporétique, disruptif comme seul un poète – de filiation digeste (« De rares citations, parfois légèrement approximatives, se sont glissées dans la langue fantôme. Le lecteur attentif pourra ainsi retrouver des formules de » aux pages où seul ressort Sébastien Lespinasse, de sa voix entraînante).
« Rouler au hasard à travers des sens interdits. / Toutes ces fois où nous n’avions plus besoin de parler. / Il voit avec ses mains le bruit d’une rencontre », résume (extrait) la quatrième de couverture. Sens interdits encore de tant de découverte(s). À couvert de leur fusion en un, à contresens, à contorsion de toutes les essences dont Mallarmé fut l’initiateur, Robert Bresson le cinéaste. Car « Les sciences de l’émancipation n’en sont qu’à leurs rudiments », écrit-il avec modestie.
« Toutes les choses ont été étiquetées avec un prix périmé. » « Pailles, la mer à boire, par les narines, hospitalité. » « La conjugaison d’un geste. Plus-que-parfait. Règles d’accord : assouplir. » « Ritualiser les paliers pour les apprivoiser. » « Nids-de-poule logés dans la méthode. » « Art poétique : ce que chaque phrase noue et déjoue. » L’art poétique incorporé à la vie, à l’encontre de tous les sentencieux (contemporains) de dérobade à l’estomac.
Amour, se pose la question d’un deuxième enfant (par nos temps de brouille art).
« Une intimité collective, par le dehors, – “travail du spectacle” », en commentaire d’une quelconque fumisterie sur scène de poète fantôme.
« Nous appartenons avant de posséder. / Le loyer de ce qui nous habite, en nature. » Lucidité.
À l’encontre de toute contemporaine présomption d’aphorisme ou suspens précieux de haïku, de la vie jetée là fait le liant, préserve le mouvement d’ahan en arrière. Dans leur contexte ou montage les platitudes (« Finalement Emma Bovary s’est barrée avec Alain Cavalier. / Quand on meurt, il n’y a rien de changé. / On voit les choses comme elles sont ») déroulent en creux une spirale de seconds degrés. Isidore Ducasse n’a plus besoin de références classiques pour être entendu par antiphrase. Le banal est un four où s’enfourne une cascade d’énièmes degrés en gestation.
Sébastien Lespinasse est un poète performeur connu né en 1975.