Le Noyau de toute chose de Hubert LUCOT par Jean-Marc Baillieu

Les Parutions

21 nov.
2010

Le Noyau de toute chose de Hubert LUCOT par Jean-Marc Baillieu

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Encore un Lucot ? Encore un Lucot !


Depuis 2005, POL publie un Lucot chaque année. Saluons définitivement la fidélité de cet éditeur à moult écrivains, présence éditoriale qui contribue à l'élaboration d'œuvres contemporaines qui fondent l'histoire littéraire depuis quarante ans, ainsi Lucot depuis Autobiogre d'A.M. 75 en 1980 (en souhaitant que sa réédition soit bientôt possible, de même que celle du génial Phanées les nuées). Cette fois, Le Noyau de toute chose déroule sa prose entre janvier 2008 et février 2009 : Lucot est ainsi presque synchrone avec le présent, du moins nous est-il proche, ancré dans une réalité qui nous est récente (des faits politiques y sont radicalement traités avec lucidité). Rappelons que le procès d'écriture lucotien est fondé sur la prise de notes quotidienne qui donne lieu à un « journal », matière profuse retravaillée d'où ... fusent des livres, mises en forme chaque fois renouvelées. Depuis toujours, c'est la vie privée d'H.L. qui mène la danse de ses livres, donnant lieu à un je-feuilletage de présence au monde et de souvenirs, un espace-temps multidimensionnel dans le travail constant d'une langue élaborée qui demande au lecteur d'en approcher sans précipitation la dynamique avant de l'entendre, ce que permet ici un découpage précis de l'ouvrage en chapitres et séquences, comme l'atteste la table détaillée, aperçu significatif des ingrédients mis en œuvre. Réflexions non démonstratives sur la production scripturale (juste « conscience d'horizon »), épiphanies, bons moments (déjeuner avec Claude Delmas et Jean-Claude Montel par ex.), comptes-rendus synthétiques de voyages (avec, caractéristique lucotienne, la juste blue note qui enflamme tel instant), souvenirs flagrants (« Le 28 juillet 1955 »), considérations ciblées de politique intérieure et de géopolitique, notes du « piéton de Paris » qu'est H.L., évolution du microcosme familial (un ingrédient constant de l'œuvre) : une mise en scène minutieuse et équilibrée de ces éléments pour parvenir à une conclusion : « La vérité est toujours paradoxale », ce qui pourra tenir le lecteur en haleine jusqu'au prochain livre (déjà en cours d'écriture quand paraît Le Noyau... ). Il s'avère qu'H.L. ne se répète pas, que chaque livre est un défi, une prise de risques, certes marquée du sceau de son expérience de lecteur, de cinéphile, de mélomane et d'écrivain chevronné, d'homme attentif, sensible aussi. Cette fois, le livre coule de source, les chevilles et coutures sont invisibles (comme le releva une fidèle lectrice), et on peut sentir comme une empathie croissante au fil du livre, peut-être du fait de la présence proche du thème de la mort, sans pathos mais sans masque. Magistralement, Hubert Lucot (né en 1935) insuffle ici une énergie renouvelée à ses motifs propres : non seulement, il ne radote pas -crainte vaine de sa part-, mais il est exemplaire. Quel beau prix Médicis il eût fait !
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