LE BANDEAU DE LA NOTORIÉTÉ par Jean-Marc Baillieu
Chaque critique de Sitaudis est accompagnée d’une photo de la couverture du livre dont il est question, couverture où généralement apparaissent nom et prénom de l’auteur, titre de l’ouvrage, nom de l’éditeur. Par exception, les éditions Nous n’indiquent que le patronyme de l’auteur en caractères de bonne taille et les éditions P.O.L ajoutent un bandeau avec le nom de l’auteur en gros caractères. Mais attention, un premier livre ne comportera pas ce bandeau, les suivants non plus jusqu’à ce que l’éditeur décide que l’auteur a atteint une notoriété suffisante (peut-être mesurée par le nombre d’articles de presse qui lui ont été consacrés) pour que lui soit attribué le bandeau où son patronyme devient en quelque sorte une marque susceptible d’attirer les yeux des visiteurs de librairie. Je me souviens d’un auteur P.O.L tout content un jour de m’informer : « Ça y est, j’aurai le bandeau sur mon prochain livre à paraître… ». Un bandeau enregistre donc le passage du nom d’auteur au nom de marque, c’est d’ailleurs un outil de marketing pour attirer l’œil du client-lecteur. Ôtant généralement le prénom qui le distingue au sein de sa famille, le bandeau réduit ou élargit l’auteur à sa famille (non-auteur, quelle serait ma réaction de voir mon nom de famille ainsi exhibé en vitrine d’une librairie ? Content ou pas ?). J’avais en vain suggéré à Pierre Le Pillouër d’ôter le bandeau des livres photographiés pour illustrer les articles car le laisser entraînait, à mes yeux, une inégalité de traitement vis-à-vis des autres livres, et Sitaudis n’est pas a priori une librairie, n’est pas un site de vente qui pourrait avoir intérêt à faire la promotion de tel livre plutôt que de tel autre, ou peut-être que si. J’ose supposer que les auteurs avec bandeau de livres dits de rotation lente (« poésie » en général) sont conscients d’être ainsi devenus une marque, de même qu’ils sont conscients qu’en signant un contrat avec un éditeur, ils aliènent leurs droits d’auteur (à quel taux ?) pour des dizaines d’années. C’est le cas, je pense, pour ces auteurs qui, paraît-il, s’interrogent sur le « qu’écrire en la présente conjoncture économico-politico-sociale », je ne doute pas qu’ils s’intéressent de près aux mœurs et coutumes du système éditorial auquel ils remettent leurs tapuscrits ou PDF, par exemple au statut et à la rémunération des stagiaires copieusement employé(e)s par ces instances éditoriales. Si ce n’est pas le cas, voilà un sujet de réflexion et d’écriture : publier, oui, mais où et comment ?