LES LIVRES DE DENIS ROCHE (1937-2015) par Jean-Marc Baillieu
« Les bords du lac : un parc, un chant, un lac, une sécession continue. Légendes : la valise, légendes, Françoise, Enfances, l’ « absent aigu », Cruas, la phalère. Pendant la poésie : un ethnologue rêveur, Tel Quel, récits complets, « par vallées creuses », Eros et mécriture, « Enfin », portrait complet, 1995. Mon visage : Carnac. Et après : Fiction & : fiction -le voyageur, chien et louve, ce savoir -cette technique. A la porte du Sphinx : le sphinx, repères - Pound, Ponge, Duras. Trois colères : « soupçon mortel », l’infâme, « colère ». Fin du roman ? : le sacrifice de la Reine, les lucioles, montée des circonstances, écrits momentanés, boîtier de la mélancolie, « un monde flottant ». La traversée d’un mur : littérature arrêtée, … temps profond, le serpent noir, avec le mot silence, « une sorte de vision ».
Voilà, pour donner une idée du livre, la table (ici mise à plat) de Denis Roche, Éloge de la véhémence, par Jean-Marie Gleize, un impeccable ouvrage présentant (chronologiquement) avec tact, précision et juste ce qu’il faut d’empathie, la trajectoire de D.R. pour qui la poésie devint « inadmissible », et la photographie « interminable ». Un homme du livre assurément qui fit ses classes d’éditeur (1964-1970) auprès de Claude Tchou : « un personnage assez curieux, très cultivé, qui savait exactement la place de chacun en littérature. Il connaissait aussi très bien la fabrication des livres et j’ai passé chez lui sept années d’école technique » dixit D.R. (interviewé en 1986 pour Kanal*magazine) qui entra ensuite au Seuil (éditeur de la revue Tel Quel dont D.R. était membre du comité de rédaction) où il créa en 1974 Fiction, rapidement devenue & Cie : « non pas une collection, mais un secteur de publication où on puisse publier aussi bien de la littérature que des essais, aussi bien des auteurs étrangers que des écrivains français » (interview supra), soit un décloisonnement peu courant dans l’édition, et une part non négligeable de l’œuvre de D.R. comme l’émet J-M Gleize, par ailleurs pierre précieuse de ce « secteur ».
L’œuvre d’écrivain et de photographe de Denis Roche (à ce jour 41 ouvrages plus 7 rééditions externes) a paru chez 25 éditeurs de toutes tailles : 14 livres aux éditions du Seuil (dans 3 collections dont la sienne, Fiction & Cie), 10 chez des éditeurs artisanaux de poésie hors-Paris, et 11 chez des éditeurs liés à la photographie, ainsi que quelques livres en collaboration (dont 3 avec le peintre B. Dufour et 3 de photos avec G. Mora). Parce qu’il répertorie soigneusement ces parutions (dont celles de « prototypes » susceptibles d’intégrer un livre postérieur), parce qu’il les situe et les met en perspective en égrenant des éléments biographiques qui leur sont liés, l’ouvrage au style limpide de Jean-Marie Gleize, même sans index, est désormais la référence à partir de laquelle réfléchir l’œuvre en actes de Denis Roche devient possible.
P.S. Bertrand Verdier diffuse en ligne son incontournable revue Axolotl-Cahiers Denis Roche