SECONDE MAIN par Jean-Marc Baillieu
Même Le Canard enchaîné (15 novembre 2017) s’est fendu d’une notule relative au tome 2 d’Histoire de la littérature récente d’Olivier Cadiot, le tome 1 étant maintenant disponible en poche (Folio). Y aura-t-il un tome 3 ? Eric Loret (Le Monde des livres) parle de « second » volume, Johan Faerber (Diacritik) de « deuxième » : le suspens demeure donc qu’entretient l’auteur lui-même (cf. site P.O.L avec l’excellente présentation de l’ouvrage par l’auteur, pointure du solo). Toujours est-il que les articles de ces deux critiques illustrent les mots « dithyrambe », voire « thuriféraire », et il est par exemple probable que certain commentaire savant dépassant, débordant possiblement le propos même d’O.C. qu’il met en valeur en se l’appropriant à sa sauce, et en se mettant lui-même plus en valeur que le livre, le projet dont il est censé parler, servira à son auteur (J. Faerber) pour asseoir son statut universitaire (spécialiste de l’œuvre en question jusqu’à son édition en Pléiade peut-être, P.O.L étant une filiale de Gallimard) même s’il se livre à des approximations et à des généralités sous le couvert d’un discours limite casuistique qui lui évite une concision qui aurait été bienvenue mais aurait pu dégonfler son propos qu’il préfère brouiller allant jusqu’à l’emploi de ce « master » (titre de l’article : « O.C. ou le master incontesté de la création littéraire ») tendance proto-globish qui vous pose. De même que bien des publicistes affirment ici et là que le mot « disruption » daterait des années quatre-vingt-dix, alors qu’il figure dans le Robert de 1982, dans Littré un siècle avant, et que Sénèque (et quelques Bas-Latins) l’employaient déjà, on voudrait (encore) nous faire prendre vessie pour lanterne. Le point de vue d’O. Cadiot n’est pas nouveau, ces discussions à propos de ce qu’est la littérature (ici réel ou pas réel, mais d’autres débats agitent régulièrement ce micro-marché pour en réactiver l’attrait auprès du lectorat, du chaland), ce qu’elle peut ou doit être, ont donné lieu régulièrement à une prose même pas méta que les Carnets du vieil écrivain de Jean Guéhenno, par exemple (éd. B. Grasset, 1971), illustrent et résument avec lucidité. Ajouterai-je que l’article de J. Faerber (6 pages ½ en impression papier) est illustré de trois photographies (une demi-page chacune) d’Olivier Cadiot et d’un gros plan non seulement de la couverture du livre mais aussi du bandeau exhibant son patronyme ? Est-ce suffisant ? Est-ce sérieux ? Le critique se doit aussi, me semble-t-il, d’avoir une réflexion sur la forme et l’aspect de son article sauf à le disqualifier un peu plus comme ici par un trop-plein d’une même image. Eric Loret quant à lui (pour qui tout bon livre fait rire) a apprécié l’ouvrage « aussi hilarant qu’émouvant » d’autant que son auteur qui « a traversé et pulvérisé tous les genres littéraires » « vrille le système ». Rien que ça ! Probable dès lors que le livre d’O.C. disqualifierait un certain nombre de romans publiés par son éditeur P.O.L qui participe de ce « système », E.Loret (passé de Libération au Monde via artpress) n’en a cure… Passons. Selon nous, pour se faire, avant ou après sa lecture, une idée du livre d’O.C., sont incontournables l’intervention filmée de l’auteur sur le site de son éditeur, ainsi que l’article de Cécile Dutheil Désir, dérision : littérature (sur En attendant Nadeau) grâce à la précision de sa réflexion et à la juste mise en perspective du parcours d’un auteur par ailleurs qualifié d’« impertinent et humble » selon Sylvie Tanette qui ajoute qu’il « poursuit sa réflexion sur la littérature, celle qu’il lit et celle qu’il pratique à la façon d’un artisan. » (Les Inrockuptibles, 11-17 octobre 2017). Vivent les femmes !