Carabine souple de David Lespiau par Jacques Barbaut
Évoluant dans un Far West d’opérette (« la prairie ponctuée par un pendu », hyènes qui hurlent, foies jaunes et Mexicains qui somnolent), semblant tout droit échappés des vignettes des albums d’illustrations décalées d’un Glen Baxter ou d’un Gotlib période « Rubrique-à-brac », inspirés des comics et des pulps, les personnages à grand chapeau, lasso, ceinturons et éperons, vêtus de chemises à carreaux, garçons vachers à cheval sur leurs chevaux, mènent le long des pampas herbeuses des troupeaux de veaux qui les émeuvent : tagada tagada : au galop ; cataclop cataclop : au trot.
— Ce matin-là, certains indiens le virent passer comme une flèche. (# 6)
Recueillie dans le treizième numéro de la bien-nommée L’Ours Blanc, qui s’inscrit sous le patronage du Tristram Shandy de Laurence Sterne, revue à parution aléatoire qui « s’écrit au fur et à mesure des livraisons, publie des textes brefs et singuliers, en leur consacrant un numéro entier », Carabine Souple (comme il existe des montres molles), peuplée par des entraîneuses de saloon et des Squaws des mers de Sable, ne dédaigne pas les onomatopées (— Hopopop, dit John, passe-moi le fromage. — Popopoh, dit Hank, tu as assez mangé), les anglicismes (des girls et des guns), l’anglais prononcé par l’Angleux, les ellipses (Enterrement de Hank : # 55), les dérapages langagiers (entre repris de justesse et reprises de justice, les jeans rouillés sous la pluie), et ne recule aucunement devant les vannes les plus « terribles » : — Je viens de l’Oclaoma, dit John qui n’avait jamais su l’écrire (# 36).
David Lespiau, sans omettre l’insertion d’écrans publicitaires (des boissons gazeuses aux cercueils en sapin que l’on peut commander), nous raconte dans l’une de ses variantes l’histoire de la souris et de l’éléphant qui cheminaient de concert sur une piste poudrée : la première se retournant : T’as vu toute cette colonne de poussière que nous soulevons ?…