30 mai
2011
Diesmal de Francis Cohen par Éric Houser
Je ne l'avais pas d'abord remarqué : la couverture du livre de Francis Cohen ne mentionne pas le prénom (de l'auteur), seulement son nom, son patronyme : Cohen. C'est important, une couverture, le choix, la disposition, titre, nom, couleur. Celle de ce livre, valeurs sombres noir / gris, trois noms se détachant (Cohen / Diesmal / NOUS), m'évoque une photographie ou une carte d'identité (carte et photographie d'identité dont il sera d'ailleurs question, métonymies cruciales). Elle tranche dans la série des autres couvertures de cet éditeur, bicolores colorées. Signal de quelque chose - de quoi ? Pour moi, d'une certaine qualité de silence, d'attente, d'angoisse (bien sûr, je sais sans savoir), qui par un bord m'atteint, faisant de moi le temps de la lecture et au-delà le sujet d'une question, (énigme, fiction d'une énigme) qui n'est pas n'importe laquelle puisqu'elle se rapporte au néant généalogique, ainsi que le formule Francis Cohen.
Diesmal, qui pourrait sonner comme le nom d'une pièce chorégraphique, est le deuxième «titre allemand» de l'auteur, après Zwar (en 2008, au Théâtre Typographique) : cette fois, l'un des adverbes qui ne ment, pour paraphraser Lacan. Le choix de l'inscrire «en allemand», et en le portant pour ainsi dire au nom propre, produit cet effet d'étrang(ère)té d'être aussi audible en français, «dit mal» (accentuant autrement que le «mal dit» beckettien - n'oublier pas le dire derrière le dit...).
M'a frappé dans ce qui à certains égards apparaît comme un récit (je veux dire que même s'il s'agit de poèmes séparés, ils ne font pas recueil : le récit ne pourrait-il être l'autre nom du livre ?), une scène que l'on pourrait épingler du «rinçage maternel» :
la mère descriptive passe
le fils est la cause
qui fixe la peur
il pense loin des descriptions
le crâne comme offrande paternelle
après coup
brûlure dissimulée par le shampooing
descriptions d'or
dans une non-parole
ma tête immobilisait son jugement
le sang était son impasse
sang
générationnel
mère descriptive
rince les cheveux
découvre
les croûtes
(...)
Je n'ai rien su répondre
à la mère descriptive
maintenant la brûlure
en signe d'éternité
un nom
sous les cheveux.
Le «cette fois» du poème déplie la scène, la redispose après coup dans un agencement qui ne se résout pas en fin mot, en clé de l'énigme. C'est sur cette base que s'éprouve, je crois, l'effacement (oubli ?) du nom, du nom propre dont le titulaire s'est perdu. «Cicatrice et morceaux : identiques / au néant généalogique». Un nom propre est irremplaçable, et c'est pour cela qu'il peut manquer.
Francis Cohen est l'un des (rares) poètes dont les livres me jettent dans l'enthousiasme, un enthousiasme d'un genre particulier, bordé qu'il est par l'angoisse (l'affect qui ne trompe pas). Lisant et relisant Diesmal, quelque chose me tient, me résiste, me touche et peut-être surtout me fait toucher, à quoi ? Impossible à nommer, à décrire : une rencontre.
Diesmal, qui pourrait sonner comme le nom d'une pièce chorégraphique, est le deuxième «titre allemand» de l'auteur, après Zwar (en 2008, au Théâtre Typographique) : cette fois, l'un des adverbes qui ne ment, pour paraphraser Lacan. Le choix de l'inscrire «en allemand», et en le portant pour ainsi dire au nom propre, produit cet effet d'étrang(ère)té d'être aussi audible en français, «dit mal» (accentuant autrement que le «mal dit» beckettien - n'oublier pas le dire derrière le dit...).
M'a frappé dans ce qui à certains égards apparaît comme un récit (je veux dire que même s'il s'agit de poèmes séparés, ils ne font pas recueil : le récit ne pourrait-il être l'autre nom du livre ?), une scène que l'on pourrait épingler du «rinçage maternel» :
la mère descriptive passe
le fils est la cause
qui fixe la peur
il pense loin des descriptions
le crâne comme offrande paternelle
après coup
brûlure dissimulée par le shampooing
descriptions d'or
dans une non-parole
ma tête immobilisait son jugement
le sang était son impasse
sang
générationnel
mère descriptive
rince les cheveux
découvre
les croûtes
(...)
Je n'ai rien su répondre
à la mère descriptive
maintenant la brûlure
en signe d'éternité
un nom
sous les cheveux.
Le «cette fois» du poème déplie la scène, la redispose après coup dans un agencement qui ne se résout pas en fin mot, en clé de l'énigme. C'est sur cette base que s'éprouve, je crois, l'effacement (oubli ?) du nom, du nom propre dont le titulaire s'est perdu. «Cicatrice et morceaux : identiques / au néant généalogique». Un nom propre est irremplaçable, et c'est pour cela qu'il peut manquer.
Francis Cohen est l'un des (rares) poètes dont les livres me jettent dans l'enthousiasme, un enthousiasme d'un genre particulier, bordé qu'il est par l'angoisse (l'affect qui ne trompe pas). Lisant et relisant Diesmal, quelque chose me tient, me résiste, me touche et peut-être surtout me fait toucher, à quoi ? Impossible à nommer, à décrire : une rencontre.