Hubert Lucot / Edouard Levé par Jacques Barbaut
Hubert Lucot / Édouard Levé
Dans la collection #formatpoche avec couverture rempliée, P.O.L publie
— Autobiogre d’A.M. 75 (précédé de « Hervé » et suivi de « Mê »), d’Hubert Lucot
&
— Autoportrait, d’Édouard Levé.
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• Hubert Lucot :
« L’autobiogre d’A.M. 75 a été composée, du 19 mars au 31 mars 1975, dans une BANDE de 13,60 mètres de long sur 20 centimètres de haut. »
• Édouard Levé :
« J’écris ce livre à l’ordinateur, il n’en restera pas de manuscrit. »
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Le livre d’Hubert Lucot, le premier accueilli chez un « grand éditeur » (tandis qu’H.L. a 45 ans), récit d’un AMour-dévoration (« femme, âme, HAM »), typique encore de ce qui se revendiquait alors d’une « certaine avant-garde » (ligne 70’-TXT-Orange Export Ltd.-Roches), s’ornemente de fac-similés, arbres généalogiques, graphiques, encadrés, jeux écrits sur nappe en papier et multiples blancs, diverses pistes et itinéraires de déviation, tandis que le second, d’Édouard Levé, qui commence par une mention de Georges Perec — « Adolescent, je croyais que La Vie mode d’emploi m’aiderait à vivre […] » —, déroule sur quelque quatre-vingts pages des phrases courtes pour la plupart — « Mon nom et mon prénom ne signifient rien pour moi. […] J’utilise la première moule pour décortiquer les suivantes. […] À la différence d’un ami d’ami, je n’ai pas trouvé de têtard dans un petit-suisse » — s’enchaînant sans rupture typographique aucune — « Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur » —, proposant chacune une assertion d’ordre autobiographique sur l’auteur — écrivain, photographe, artiste — qui sont autant de facettes pour reconstituer, à la dernière ligne — « Le plus beau jour de ma vie est peut-être passé » —, l’esquisse d’un Autoportrait.
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• Lucot :
« Nous restaurerons le linéaire dans les plaines que couvre une explosion, quadrillée comme les fonctions d’une glande, comme une grenade. […]
« Euthanasie anesthésie (qui dépérit, H.L. somnole, le 27 mars), eunasthénise et orage, être à l’artiste de la mort (encore nous nous lèverons à 18 heures ?), H.L. le lit le livre, mais plume aussi, dès le plus jeune âge (6 ans), et la main dans la chambre, elle demeure (gravée au mur, gravée en moi), imparfaite est son ombre, elle n’arrache qu’un peu de la paroi dans la chambre à gaz. »
• Levé :
« En poésie, je n’aime pas le travail sur la langue, j’aime les faits et les idées. Je suis plus intéressé par la neutralité et l’anonymat de la langue commune que par les tentatives des poètes de créer leur propre langue, le compte rendu factuel me semble être la plus belle poésie non poétique qui soit. […] Je cherche à écrire dans une langue que n’altéreraient ni la traduction ni le passage du temps. »
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Une scène de l’avant-dernière page d’Autoportrait, qui évoque une cave, une raquette de tennis que l’on oublie et un fusil « soigneusement préparé », est étrangement ressemblante — tourne une porte-à-tambour — avec l’incipit de Suicide (P.O.L 2008).
Hubert Lucot vient de publier (P.O.L 2013) un fort volume de six cent soixante-douze pages (soit plus de cinquante années d’une vie « commune ») intitulé : Je vais, je vis *.
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* nous soulignons.
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P.O.L, #formatpoche
— Autobiogre d’A.M. 75 (précédé de « Hervé » et suivi de « Mê »), Hubert Lucot, 128 p., 6,50 € [1980, édition princeps] ;
— Autoportrait, Édouard Levé, 96 p., 5 € [2005, éd. pr.]