Isaac Babel, Œuvres complètes par Christian Désagulier
La chanson de Babel
Comme tu lis au soleil d’été zénithal jusqu'à t’abîmer les yeux, le fil noir de l’écriture passe par le chas d’une aiguille à recoudre les bruits de déchirure que les récits intérieurs à la fois couvrent et provoquent en tournant les pages.
Il y a des livres où les métaphores qu’il collectionnent sont comparables à des papillons. Malgré l’aiguille qui leur traverse le corps, les holométaboles continuent de battre des ailes dans la boîte en papier vitrée jusqu’à ce qu’à l’issue d’une imprévisible et cinquième métamorphose, leurs ombres blanches flottent en lévitation dans le vitré.
Mais à quel mélange de parfums d’acacias et de lilas en fleur en relis-tu alors les pages devenues de voletants imagos dans les yeux, quand tu réalises qu’il s’agit de jeunes fiancés comme dans les tableaux de Chagall.
Tu n’auras dès lors plus qu’à battre des paupières en dévalant avec Babel l’escalier d’Odessa dont chacune des marches conserve l’empreinte d’un récit-poème d’anticipation, pour que ces bienheureux ludions s’interposent entre toi et le monde.