Traité des sirènes, Philippe Beck (1) par Christian Désagulier
Le nom propre de la Reine de Six est Circé quand la déesse enjoint Ulysse de se soumettre au Chant des femmes-oiseaux avec la promesse d’éprouver des jouissances sonores non-pareilles aux vocalises des sirènes sans encourir le naufrage : la promesse de plaisirs sans la faute..
Circé est le nom de leurs tentations mortifiantes et Dignité celui des 48 Articles du Traité des sirènes comme XLVIII le nombre de Musiques du nom, mais n’est-il pas aussi le nombre égal et sommé des Chants énantiomorphes de la geste homérique ?.
Quand la Divine des Divines prophétise, l’Inventif apprend qu’il sera soumis à l’épreuve du Désir incoercible et comment il réchappera du Chant des Enchanteresses, que les marins dont il aura colmaté les oreilles à la cire ramollie entre ses doigts et qui l’auront par les pieds et les mains au mât du trirème ficelé, doubleront ses liens quand il commandera de l’en défaire sous l’emprise charmeuse des Sextuplées..
Et vogue désormais le vaisseau à la proue azurée sur le fleuve Océan, fleuve houleux comme Rhin d’Ondine, voile affalée, Ulysse assujetti, dérive aux abords de l’île-nid décrite par Circé, la poitrine par les rémiges et les griffes des Six Reines bientôt déchiffrée, la tête tourneboulée par les ondes de chant des femmes-oiseaux..
L’Homme-aux-mille-tours exclame des cris d’Encore, dont Encore est le nom du thrène pour aulos et tambourin, instruments de sirènes à peau d’homme et d’os à trous, à base des laisses collectées aux plages magnétiques, abasourdissante lutherie des reliques aboutées de ses prédécesseurs..
Becqueté des germaines et huitantes harpies, Le-très-loué ordonne qu’on le détache du poteau de couleurs jodlantes, adresse force suppliques à ses rameurs inentendants tandis qu’ils attisent l’eau silencieuse à blanc, et réfutant ses ordres inaudibles, doublent les cordes et serrent à turgescence chevilles et poignets jusqu’au rouge cerise de l’érudition..
Il ne porte pas le nom de Rusé sans mérite celui qui aura anticipé les effets de la musique chimérique quand il prévint ses lippo-lecteurs de ne désobéir qu’à ses ordres le moment de l’attirance inconditionnelle venue, mais pas à ses accents de sourcils ni autres pantomimes scripturaires quelles que libres soient leurs interprétations..
Musique des noms dont les sèmes et phonèmes s’arrangent selon la grammaire à l’usage unique du poème, donnent la sensation d’improviser avec les doigts d’un joueur d’harpe enfoncés dans les cordes de la gorge, jouant des conjugaisons, des accords dissonants résolutoires à mesure que le Chant s’honore de significations acousmatiques, que les mots en noms propres se changent..
« Nom de pays le nom, nom de pays le pays (…_ / ._ , . . . _ / . ._ , péon quatre / anapeste, péon quatre / ïambe) » : une Musique des noms savante, renversante, mots de poème dont les vocalises nomment, purifient, résolvent la définition discrète : mots de poème des noms, noms de poème le poème..
Quand la réalité imaginale, dont Polysème est le nom, se combinant à l’imaginaire aural, dont Polyphone est le nom, met à mort la métaphore, tue le poème, le poème est tu..