L'audace de Pascale Petit (2) par Christian Désagulier
L’Audace serait de ne pas s’en laisser conter, de faire semblant de dormir et de regarder ce qui se passe derrière les barricades mystérieuses.
Les pointes de flèches des chérubins n’étaient pas enduites de somnifère. Ce désir est une fable. Il ne faut pas s’en laisser conter mais l’écouter, en toute lucidité portée à l’extrême du désir du désir.
À qui s’adresse cet impératif et récurrent « Regarde… » ? A lui ou elle-même ? A toi qui lis à côté d’elle ? M’aime pas. C’est une désespérée qui vous écrit, par le pouvoir des mots te parle, se parle, ne lui parle pas : « Regarde… ».
Cahier de laboratoire dont les expériences successives, fioles et pipettes de vair en verre transmuées, en forme de récits en vers brisés comme des rêves interrompus on ne se souvient que de débris effervescents, vite avant qu’ils : les cucurbitacées n’ont jamais été des carrosses.
Un art poétique dont la volonté seraient celles de tentatives d’extraction et de concentration de l’antidote au princeps charmant. Ratées, recommencées : « Regarde… »
Elle est en guerre contre, occupée, résistante. Les messages qu’elle capte sont codés. L’ennemie c’est elle aussi qui se demande où les armes seront larguées cette nuit. Si elle pourra s’en emparer avant elle ? Seront suffisamment résistantes les caisses d’arc et de mots fléchés, leurs munitions ?
« La poésie d’la poésie est bien cachée. »
À qui s’adresse-t-elle ? N’est-ce pas à cet homme génériquement modifié par le désir qu’elle a de lui, par son désir d’elle dont elle se défie parce qu’il la regarde de trop près, c’est-à-dire floue, invisible de trop loin, pas elle, ni une, mais à toutes clonée.
Dans ce demi-sommeil se défiant d’elle-même, se déferait de ce désir de désir et ce faisant, analysant sa défaite pour la transformer en victoire sur elle-même, redevenue désirante, pas désirable, désirante.
Ce livre est un condensé de Pascale Petit, virtuose, une suite contrapunctique en La, avec une prédilection pour les préludes et les appogiatures.
J’y retrouve aussi comme des sortes d’extrapolations préraphaélites, de John Everett Millais Mariana les mains aux reins à sa fenêtre ou bien juste venant de croquer la grenade Proserpine de Dante Gabriel Rossetti.
« Regarde, regarde comme nous nous aimons. On pourrait nous confondre. Nous sommes tellement occupés à nous enlacer que nous ne voyons pas autour de nous. Nous ne comprenons pas ce qui nous oblige ainsi à nous embrasser. Il suffirait pourtant que nous tournions doucement la tête pour en avoir le cœur net. Au lieu de nous retirer comme des couteaux. »
Les déchants espérés sont les plus beaux.
« Être seul s’apprend à deux. »