NATHANAËL, "effarés visages" par Christian Désagulier

Les Parutions

31 oct.
2021

NATHANAËL, "effarés visages" par Christian Désagulier

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NATHANAËL,

 

 

Il arrive que la recollation des morceaux d’un miroir dans lequel on s’est regardé avant que le visage ne soit séparé du corps, conjure le malheur que ses débris prédit, quand ses éclats sont déjà des arrangements de mots aux sens plus ou moins mal emboités, parfois forcés comme on force les deux pièces mâle et femelle d’un puzzle, lesquelles pièces demeurent deux tant que tu n’as pas trouvé l’autre appariée, pinçant d’une main l’une et de l’autre tâtonnes dedans un enchevêtrement de profils en lames de scalpel, à la reconnaissance de la pièce avec laquelle les deux ne formeront pas un, couple, mais une entité, une identité, car l’écrire qui est un après-dit, prédirait-il l’avenir et notamment que tu vas t’entailler le bout des doigts en essayant de réunir les morceaux jusqu’à la reconstitution de ce visage effaré, cicatrisé dans le miroir que, sans la décision préliminaire de le briser, tu n’aurais jamais pu visualiser, te familiariser avec les cicatrices qui préexistaient sur ton visage maintenant que les lignes de fractures avec celles des incisions se confondent.

 

C’est ainsi que les huit morceaux de miroirs que seraient les huit parties d’effarés visages, ceux des bustes sculptés d’Antinoüs, celui d’Alejandra Pizarnik, ceux de femmes aux arrêts sur image dans les films de Mizogushi Kenji ou de Kobayashi Masaki, celui de l’aimée par Soseki Natsume, celui d’Oscar Wilde dans sa geôle de Reading relisant sa Ballade composée pendant l’heure de la promenade, celui de ce photographique Autoportrait dans un paysage réalisé par Claude Cahun à profil de courlis* exact au rendez-vous avec le retardateur de l’appareil, seraient huit facettes ajoutées au poème dont Nathanaël ne cesse livre après livre de relancer le dé polyèdre de l’écriture, ici réfléchi aux cloisons capitonnées de miroirs lesquels te renverraient un corps dont les portes ne s’ouvrent que vers l’intérieur, un monde d’arrêts aux enceintes concentriques que surplombent des miradors, dont le premier cercle desquelles se trouvent être le langage et les mots pour s’en arracher aussi des pierres et

« Dis-toi que si la lune fait son ciel, toi-même est syndicat du réel. »

 

 

* Nathanaël est notamment l’auteure de L’heure limicole parue aux éditions Fidel Anthelme X (2016).

 

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