19 juil.
2018
Le cours du Danube ... de Michèle Métail par Christian Désagulier
- Un jour MM a pris le fleuve et l’a commencé à descendre impassiblement, le fleuve des génitifs. Soit une proposition en forme de SÉRIE de 5 compléments de noms comptés par enjambement et soit la première : 1. le delta de l’accumulation des alluvions de l’embouchure du fleuve de la confluence.
- MM est germanophone et l’embrayeur biographique, une expression destinée à montrer la capacité de la langue allemande à former des mots composés par agglutination : der Donaudampfschifffahrtsgesellchaftkapitän. De cette façon elle compterait 500 000 mots, et les écrivain/es tels qu’Arno Schmidt en bons élèves de James Joyce seraient des académiciens.
- L’ajout d’un nom choisi formant complément à l’entame de la proposition suivante chasse le dernier nom de la précédente : par exemple, de « 11 de 10 de 9 de 8 de 7 de 6 » on passe à « 12 de 11 de 10 de 9 de 8 de 7 » de sorte qu’à l’issue de 6 substitutions, la proposition ne contient plus aucun des 6 premiers noms. MM l’imprime en gros sous forme de rouleau comme celui de Jack Kerouac qui prit la route au lieu que le fleuve, c’est l’unique point commun entre les deux.
- À chaque série ainsi générée par antiquintanadiplose, par ajout d’un nouveau nom au début qui pousse-pousse l’autre à la fin, s’ajoute la contrainte de ne jamais répéter le même nom (i.e. comme le même chiffre dans la formule 6.). Chaque nom est choisi en fonction du sens et du son et de la morphologie. Chaque proposition comprend 5 compléments de noms comme il y a 5 intervalles sur une ligne, rail, méandre ou partition : MM est également musicienne électroacoustique.
- La série de propositions n’est pas à proprement parler infinie mais limitée par le nombre fini de noms figurant au dictionnaire de référence qui s’élève à environ 100 000 dans la langue française augmentée de mots appartenant à des lexiques plus pointus dans lesquels MM pioche parfois pour des raisons de sens, de son ou de morphologie.
- Cette figure de rhétorique est une concaténation dont on reprend d’une ligne à l’autre tous les génitifs dans le même ordre sauf le dernier mot du dernier génitif. Il s’agit comme qui dirait en mathématique d’une forme de combinaison - de combine avec le poème -... de propositions, de lignes, de vers C100 000/6 = 1388680567360798614916650000soit environ 10 à la puissance 27 (rappelant la formule Cn/p = n ! / p ! (n - p) ! sachant que n ! = n x (n-1) x (n-2) x … x 6 x 5 x 4 x 3 x 2 x 1) ce qui aboutirait à un livre de 40 millions de milliards de milliards de pages à raison de 33 propositions/page, d’où le rouleau.
- C’est une contrainte que les oulipiens ont reconnue comme étant des leurres (féminin pluriel de « leurs »). C’est ainsi qu’MM rejoindra l’Ouvroir et rédigera au fil des ans 2888 propositions dédiées à Bernard Heidsieck : BH est un poète sonore, l’auteur de poèmes-partitions, le banquier des coupures de sons et MM sa débitrice en tant que fleuve dans lequel on se baigne toujours au moins cinq fois, intérêts et principal.
- Car ce poème est destiné à être lu en public : ce n’est pas du théâtre même si cela y ressemble et qu’on pourrait le jouer après l’avoir appris par cœur et faire semblant de le lire. MM en lut des passages imprimés en gros sur un rouleau au cours du fleuve des ans. C’est impressionnant. Il y a quelque chose qui relève de l’envoûtement par effacement du sens à la lecture à haute voix. Cela rappelle quelque chose, mais quoi ? On peut accélérer la lecture en se limitant aux deux premiers mots d’une proposition avant de passer à la proposition suivante comme au jeu du marabout qui s’appelle shiritori au Japon. Je ne sais pas en Chine, mais peut-être yangqui signifie « fleuve » ou « forme » ou « augmenter » suivant le ton, neutre ou plat, grave et ou aigu posé sur l’a ?
- MM étant sinophone aurait pu choisir le fleuve Jaune, ou l’Amazone si elle était brésilienne ou grecque. Ou le fleuve Amour qui charrie des mots que l’on soit russophone ou pas. Ou le Léthé.
- On peut lire quelques kilomètres de génitifs ici :
http://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=6468