Le livre des cabanes de Jean-Marie Gleize par Christian Désagulier
... livres de JMG sont des jumelles d'abord je n'y comprends rien et puis en tournant la molette un premier plan-poème dont il faudra se souvenir à l'apparition du second en continuant de tourner la molette le premier replongeant dans le flou tandis qu'un troisième apparaît les deux autres replongés dans le flou du calque replongeant leurs têtes de cygnes noirs dans la turbidité de l'arrière plan du lac tandis que de plus en plus hautement résolue se forme l'image se colle magnétiquement au plan focal de la mémoire forme un plan pour continuer d'avancer ainsi se construit la vision une cabane ...
... pour faire une cabane d'abord marcher à la recherche ramasser de ci de là des morceaux de bouts des choses qui posés les uns appuyés sur l'autre feront murmures quand le vent des trous quand les étoiles à travers picotent ...
... cabanes de Tarnac de Ponge de Chine de Rome de Rimbaud cabanes de la Fête faire communauté de cabanes de tous bois de l'arbre pour qu'il ne cache plus rêve de tous feux mis à la foudre à la goutte de sang soleil sur le doigt de l'est pas pour le bonbon que sucent les jours mais pour le partage du sachet ...
... le soleil oscille dans le plan de la voie lactée fait la toupie à notre nez pourquoi la terre se réchauffe ce n'est pas à cause des particules d'imprimerie ce n'est pas que les êtres humains font trop de feu pour la croûte du riz c'est pour faire oublier que c'est le soleil qui commande sinon pourquoi tracer des plans de cabane sur les comètes pourquoi faire des poèmes qui ne disent pas leur nom pourquoi de la prose ni figue ni raisin ...
... qui n'a pas petit construit rêver de construire construit en rêve une cabane à quoi à qui répond de telles entêtants désirs de nid d'igloo de bois de barricade avec contre les grands méchants de feu mis à la queue de la foudre de bois cassé qu'importent les esquilles la fracture doit être ouverte dans la pauvreté monastique provisoire des cabanes ...
... j'ai connu des enfants abandonnés comme des petits chats en forêt qui n'avaient d'autres lieux où s'abriter la nuit du noir mais pas du froid ni de l'eau des étoiles qui n'avaient que des cabanes de branches d'eucalyptus et de sacs en plastique pour castors aux dents de lait orphelins jusque d'eux-mêmes tels sont les faits à sevrer ...
... il y a plusieurs façons de raconter des histoires l'eau monte la forêt brûle bientôt il n'y aura plus que des rivages plus que des Crusoé celle-ci est faite pour nous parvenir dans une bouteille que JMG étiquette colle de baisers avant de se jeter à la mer aux cris de casser des branches pour faire cabane qui ressemblent au bruit de branches qui brûlent bouteille pleine de cassures de bateaux on ne sait pas comment dedans ...
... ainsi le film est toujours à venir projeté sur les images hébétées séparées de leur mère question d'allaitement les images tuées comme des petits chats après un baiser sur le museau jetés contre qui miaulaient encore en sortant la bobine de la boîte cherche à téter l'écran est un mot mal fait écran ne cache pas rideau de fumée de la forêt en feu capture le plan focal de la projection est la conversion d'une vision aux coordonnées polaires (R, têta) en coordonnées cartésiennes (x, y, z) - un suaire pour dire le mort revenu d'entre - écran est un oxymore est un oxymore est un oxymore...
... la poésie n'est pas une solution[1] un prêchi prêcha ne dit rien d'autre que la poésie n'est pas une solution que le poème ne sert à rien à rien d'autre qu'à recoller le papier peint dans la cabane qu'à replanter les étoiles à faire des bouquets de que dire quand les oiseaux meurent d'intoxication les poissons se demandent ne sert à rien le poème qu'à tuer le temps à coups de mots dans l'eau ...
... il faut d'abord aplatir l'herbe de ce qui sera un tapis il faut creuser autour au cas où la pluie en creusant on trouve des mots partout le jeu consiste à reconstituer le corps ...
... il y en a qui construisent dans les champs des cabanes alignées des camps de cabanes avec des lignes en fil de fer barbelé tout autour et de l'électricité qui passe dedans beaucoup de volts des lignes de mots barbelés pour concentrer empêcher les mots de se révolter au cas où l'on se souviendrait d'un baiser de la pluie au soleil que le cuicui des oiseaux est préférable à celui de se raconter des histoires la cendre de bois est lessive et fertilisant que le phosphore est bon pour la mémoire[2] ...
« J'ai retrouvé sur les draps ces quelques mots presque effacés par la pluie :
"une nappe en étoffe d'écorce battue, dans la nappe un caillou, les plumes d'un oiseau, un morceau de fougère. Roulée, fermée d'une cordelette et jetée à la rivière". Il y avait aussi des gestes et d'autres mots pour que la pluie vienne, pour que soient lavées les feuilles et les choses, pour que les branches pourrissent, s'écrasent et disparaissent. Voilà pourquoi je suis communiste. Oui ceci est un projectile, oui nous habitons vos ruines, mais.
C'était trouver ici qu'il fallait. » (p. 55)
... faites des enquêtes débroussaillez construisez des cabanes pas des cabanes de planches mais des cabanes de branches cela veut dire rassemblez organisez les faits de façon à ce que la vérité pratique advienne ...
[1] Jean-Marie Gleize, La poésie n'est pas une solution, Revue faire part 26/27 (2010) et Philippe Beck, La poésie en question, SITAUDIS (2015)
[2] Yvan Mignot, SONNENKRAFT, éditions Fidel Anthelme X (2010)