Le Nu au transept de Claude Louis-Combet par Jacques Barbaut

Les Parutions

22 oct.
2014

Le Nu au transept de Claude Louis-Combet par Jacques Barbaut

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« Ce soir-là nous rêvions sur des images… » (p. 9)

      Sous le patronage ou l’invocation séminale d’une reproduction, extraite d’un bel album, d’une toile de Gustave Courbet, une Baigneuse à la source (1862) — un dos lisse comme un pur écran de fantasmes, un postérieur à la majestueuse rotondité, et ces jambes si vous saviez… —, la confession, une cinquantaine d’années après les faits étranges qui se déroulèrent en 1934, lors des fins de soirée des dimanches (le détail est d’importance), à proximité immédiate et dans la cathédrale de Bourges, lieu saint, lâchée par Joseph, un prêtre âgé — « grand maître de la théologie de la subversion », adepte de Denys l’Aréopagite, familier des moines du désert et des ascètes de Nitrie —, à son ancien étudiant et ami…

          « Je me souviens… J’imagine… J’invente… » (23), recommence le narrateur de cette fable, calme rapporteur de ce conte de fée fiévreux…

      Partant de l’apparition-exhibition d’une fille publique, Maria, à la nudité qualifiée d’abord de « sans antécédent, brutale, terrifiante et abjecte », passant par la reprise sous quelques variantes d’une scène « extravagante, excessive, inassimilable », Claude Louis-Combet se dépouille dans cette épure de ses appareillages complexes, courts-circuits sexuels et autres abouchages inouïs pour rejouer les noces hyper-classiques de l’ascète et de la débauchée, du culte et du cul, de la mystique et de l’érotique, offrir une tentation disons « apaisée » à laquelle Joseph s’abandonne sans pourtant jamais céder.

     Initiation spirituelle révélatrice de la part féminine de Dieu — « La femme est en Dieu comme Lui-même. Elle est Dieu en elle-même et jusqu’à sa plus profonde ténèbre », écrit Louis-Combet (72), qui en Jung a trouvé son miel —, cette rencontre, « dont le souvenir illuminerait sa vie intérieure jusqu’à la fin de ses jours », ces rendez-vous clandestins avec « la seule femme de sa vie », détentrice d’un noyau de mystère, constituent l’expérience décisive, fondatrice, pleine et suffisante, qui renforce la détermination toute maîtrisée du futur prêtre dans sa décision de chasteté — d’absolu.

     Avec ce livre proposé par L’Atelier contemporain, à la typographie, maquette et papier sans reproche, le plus étonnant sans doute serait la parfaite alchimie du texte (aussi fluide et limpide que la source prétexte) et des « images » d’Yves Verbièse (celles-ci ont inspiré, provoqué celui-là), non point illustrations, mais délire ou visions que provoquent les ostensoirs, les confessionnaux, les ciboires, les cierges, les statues mariales, les angelots, les gisants et les crucifix — collages ou superpositions photographiques de la chair et de la pierre, de la femme et des ors, du corps et de la mort, mirages de la profanation exquise, « lumineuse fluence des vitraux »…

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