Rudolfio de Valentin Raspoutine par Christian Désagulier

Les Parutions

25 sept.
2018

Rudolfio de Valentin Raspoutine par Christian Désagulier

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Tu es un écrivain russe de 28 ans en 1965 et tu t’apprêtes à écrire une nouvelle. Tu imagines le personnage d’une jeune fille, c’est-à-dire celui d’une jeune femme qui n’est pas encore tout à fait une femme et qui s’appelle Io. Elle a 16 ans et tu écris qu’il a « deux petits nids » en fait de seins. Il tombe amoureux d’un personnage qui s’appelle Rudolf. Il a 28 ans et prend comme Io le tramway pour se rendre au travail comme elle à l’école.

 

Elle entreprend de faire la connaissance de Rudolf dans le tramway. Tu imagines qu’il est marié à Klava dont Io dit d’elle que « c’est un os de seiche », une expression sortie « de la grande langue russe ». Elle décide qu’ils s’appelleront désormais lui comme elle Rudolf + Io = Rudolfio comme le titre que tu donnes à ce récit. Cela se passe à la fin de l’hiver.

 

Elle le relance par téléphone en prenant prétexte qu’elle ne parvient pas à résoudre un problème de réservoirs A et B. Klava qui a décroché le combiné interroge Rudolf au sujet d’Io, « Elle est en septième ou huitième, je ne sais plus.» Ils se revoient chez Rudolf qui lui conseille de lire « Exupéry ».

 

Une autre fois, maintenant qu’elle a pénétré dans son appartement, elle lui pose la question de savoir si le « Petit Prince » est bien venu sur Terre. Rudolfio répond à Rudolfio qu’il croit que oui. Elle le pense aussi et qu’il y est resté. Elle a aussi lu « Terre des hommes ». Les personnages préférés de Rudolf sont Bark et Bonnafous « qui vole et pille les arabes … qui le détestent et l’aiment tout à la fois » dit Rudolf « parce que sans lui le désert leur aurait paru ordinaire tandis que lui le rend dangereux et romantique » dit Io. Cette conversation se passe au printemps.

 

D’Io, Rudolf rassure la mère quand un jour de printemps elle l’aborde dans la rue en l’appelant Rudolfio et qu’elle s’enquiert à demi-mots de ses intentions lui demandant d’user de son influence pour éviter qu’elle fasse des bêtises. Un autre jour, elle lui avoue qu’elle ne pleure presque plus depuis qu’ils s’appellent Rudolfio et bien que « pas tout à fait formée », Io lui demande sans plus attendre de divorcer de sa femme pour l’épouser elle. Rudolf lui répond qu’un mari mieux fait pour elle quelque part l’attend.

 

Quand un jour ils se promènent main dans la main dans un terrain vague près du fleuve, elle lui demande de l’embrasser sur les lèvres. Mais Rudolfio ne veut pas, seulement un baiser sur la joue et tout de suite après il se reproche de ne pas l’avoir rappelée alors qu’elle s’enfuit de dépit. C’est le début de l’été.

 

Et puis ce qui doit arriver arrive. Suite à ce refus, elle fugue et sa mère inquiète téléphone à Rudolf qui la rassure plus inquiet qu’elle, lui conseille d’attendre quelques heures, qu’elle va revenir et lui, pour tromper son inquiétude, retrouve un livre d’algèbre dans son débarras afin de tenter de résoudre le problème des réservoirs A et B.

 

A la fin, Io revient chez elle et sa mère prévient Rudolf qui la retrouve silencieuse, les yeux dans le vide, assise en tailleur sur son lit en se balançant finit par lui dire « d’aller se faire voir », à quoi il obéit sur le champ, sur le terrain vague près du fleuve…

 

Tu n’es ou tu n’es pas un écrivain, tu t’appelles Rudolf ou Valentin ou bien autrement. Tu n’es ou tu n‘es pas russe, tu es ou tu n’es pas marié, tu as 28 ans ou plus ou moins, cela fait d’innombrables combinaisons. Tu n’imagines pas le personnage d’une jeune femme de 16 ans ou plus ou moins qui s’appelle Io ou bien dont le prénom commence ou s’achève par n’importe quelle autre lettre de l’alphabet russe, grec ou latin, ou bien qu’elle porte le même nom que la lune de Jupiter ou que celui de l’amante du dieu qui se change en nuage lors de leurs rendez-vous. 

 

Tu te baignes avec elle dans le lac de la forêt d’Orient et vos lèvres ne servent qu’à vous dire des mots qui veulent tous dire la même chose mais ne se prononcent pas sous cet arbre abrités au milieu du champ un jour d’orage en revenant à bicyclettes à la maison. Demain tu repars en Allemagne ou partout ailleurs et toi pour toujours. Tu as ou tu n’as pas écrit une nouvelle qui s’intitule Rudolfio, r, u, d, o, l, f, i, o, tu lis Rudolfio et tu te souviens d’elle et cela te regrossit le cœur : une nouvelle en forme de poème aux regrets imprescriptibles et revenants de la jeunesse…

 

… Sous la forme de ce fascicule doux grège au consistant grammage de la largeur de la main, imprimé en bilingue obligatoirement, de ce modèle d’alidade visant à l’essentiel comme celui  d’Alexandre Blok dont tu lis en ce moment, essentiel et visionnaire, L’Intelligentsia et la révolution

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