INVECE n° 4, Bye bye mail art par François Huglo
La mise en boîtier du Mail-Art sous forme de 60 cartes postales n’est pas une mise au tombeau, tout au plus une amicale mise en boîte. « Il faut arrêter cette histoire qui, désormais, tourne en rond », écrit Julien Blaine qui avait proposé à ses correspondants de lui envoyer une carte postale 150 mm x 105 mm représentant une boîte aux lettres détruite. Réunie dans un bel étui, cette collection destinée à commémorer (« obligation contemporaine ») les 50 ans du Mail-Art (pourquoi pas 50 ?) rejoint les 3 premiers numéros de Doc(k)s qui lui étaient consacrés : Mail-Artists in the World (1978), Destinataire Paris (1979), Les artistes du Centre International de Recherche et de Création Artistique (CiRCA) (1983). Bye bye ou hello ? Le dos de la carte de Patrice Treuthardt tourne le dos à toute nostalgie : « Oté : argarde boitalèt pouri / Lépa pou ri / Lépa pou pléré ».
Si Doc(k)s réalise la fusion du Mail-Art et du revuisme, il y a (ou il y a eu ?) une tendance Mail-Art dans un certain nombre de revues : celles dont le but était visiblement moins d’offrir des auteurs à un public ou plutôt l’inverse (pari perdu, les auteurs refusant d’être confondus avec le public et ne lisant que leurs propres textes) que de créer des réseaux alternatifs : intersubjectivité du courrier plutôt que consommation du prestige littéraire considéré comme un spectacle marchand, du désir de publication vécue comme (illusoire) minute de gloire. On peut rapprocher du « Do it yourself » de Jerry Rubin et du « Don’t hate the media, become the media » de Jello Biafra, la formule de Didier Moulinier lançant sa collection Les contemporains favoris : « Amateurs de littérature, le mot d’ordre n’est plus unissez-vous mais dispersez-vous ». Le premier volume de cette collection fut d’ailleurs un Lucien Suel, poète que l’on retrouve dans cette collection, et qui ne cède pas plus à la nostalgie que Patrice Treuthardt ou Didier Moulinier semant à tous vents, puisqu’on lit au verso de sa carte le titre «Le cadeau aux oiseaux ».
Entre le Mail-Art et les revues, il y aurait les fanzines. Ainsi, s’inspirant des graff’n zines punks de la fin des années 70, Dan et Guy Ferdinande ont pu qualifier leur revue, « marotte » plutôt, de « poézine script’n’graph ». Au fanzine ont succédé le webzine, puis l’e-zine. Mais le rôle de l’ordinateur dans la confection des revues, fanzines, et du Mail-Art, n’a jamais été négligeable, et le texte, l’image électroniques peuvent toujours revenir au papier, y entrer, en sortir, comme dans le (ou du) moulin de Ventabren. On parle sur le net de ce qu’on lit sur papier, et l’inverse. Bien qu’ils aient souvent remplacé les échanges postaux, les échanges électroniques n’ont pas provoqué leur disparition. Posée par Marius Loris « devant un monument aux morts… », sa boîte aux lettres lui adresse un clin d’œil complice, un sourire d’humour noir : salut, vieux frère ! Ici nous nous retrouvons tous !
Autres signataires de ces beaux bifaces que sont les cartes postales ici réunies : Jean-Jacques Agboton-Jumeau, Démosthène Agrafiotis, Amicale des Sapeurs Pompiers, Giney Ayme, Christine Banninger, Cyril Barrand, Angela Behrend, John M. Bennett, BLAD&NAD (Nadine Agostini et François Bladier), Guy Bleus, Gilles Boenisch, Jean-François Bory, Hervé Brunaux, Barbate Càdiz, Laurent Cauwet, Chercheur d’or, Daniel Daligand, Silvio de Gracia, Cristine Debras & Yves Bical, Michel Della Vedova, Ollivier Desmarais, Sonia-Geneviève Duffossez, Johan Everaers, Giovanni Montana, Carlos Ginzburg, Jean-Pierre Husquinet, R. Keppler, Carine Ladoire, Fabien Le Goupi, Désiré Leucri, Ruggero Maggi, Maxime Hortense Pascal, Michèle Métail, Michael Michmayr, Emilio Morandi, Jürgen Olbricht, Anne Orina, Clemente Padin, Rémy Pénard, Hugo Pontes, Tulio Restrepo, André Robèr, Sahli Abderrazak, Sarenco, Tanabe Shin, Joël Thépault, VI Tolstov, Daniel Van de Velde, Johan van Geluwe, Véronique Vial, Peti Wiskemann, Daniel Zed.