Ivan Messac une vie en images par François Huglo

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17 avril
2024

Ivan Messac une vie en images par François Huglo

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Ivan Messac une vie en images

 

 

            Ivan Messac raconté par son personnage comme Hergé le serait par Tintin, Cabu par le grand Duduche, Fred par Philémon, fait de l’artiste le héros de sa fiction, non sans une part d’auto-dérision et de critique du faire-savoir prenant le pas sur le savoir-faire : « convaincu d’accomplir une œuvre d’exception », chaque artiste doit prendre « un porte-voix » et proclamer qu’il est génial. « Quant à moi, j’ai choisi de le dessiner sur les pages qui suivent ». Loin de hisser l’artiste sur un piédestal, le personnage l’en descend : quelle « vie » n’est pas « en images » ? Un trait noir (le dessin d’un landau) se superpose à une tache de couleur (rouge) comme le monde des formes et des signes à celui du sang, et la phrase « A la crèche, il aime à coller des gommettes » à « il joue dans les trous de bombe ». Si le « futur artiste » né à Caen le 19 mars 1948 est « génial », c’est « malgré lui ». S’il est « original », c’est qu’il est l’origine, et qu’elle est commune.

 

            Les héros de l’écolier seront « les sculpteurs grimpés sur les échafaudages » de l’église Saint-Jean. En noir, la silhouette de l’artiste jouxte une photo de bas-relief, en rouge sur la page suivante elle se superpose à une vue de la place de la Résistance, « piste de patins à roulettes ». En aplats de noir face à des aplats de couleurs, se fait jour la phrase qui résume les années 50 : « L’homme nouveau n’est pas pour demain », réponse peut-être au futurisme antérieur. En 1962, « Ivan découvre que son grand-père, Régis Messac, écrivain mort pour la France, est au Panthéon ». Son père « cheminot et anglophile » lui fait visiter les gares de Londres à pied. La page se lève sur les Beatles, Kinks, Animals, et quelques autres, Ivan parmi eux : même coupe de cheveux, même monde d’images, personnages sur une même scène. En 1965, membre de la troupe du lycée, il joue Tchekhov. Apparaissent d’autres héros : le sculpteur Saint Maur en sa péniche-atelier, qui lui enseigne que l’art n’a rien d’ « informe » ni de « flou », qu’il « est une décision ». 1967 : premier atelier, à Nanterre. 1968 : « À vingt ans, du passé il fait table rase, n’adhère à aucun parti et fait des sculptures en pots de yaourt. Dénonciation de la Société de Consommation ? ». Galerie Mathias Fels, rencontre des artistes de la Figuration narrative.

 

            1969 : sans attendre les cimaises, une fresque de papier est collée sur les murs de la fac de Nanterre. À l’Arc, Ivan rencontre Pierre Buraglio et rejoint les membres du Salon de la jeune Peinture. SIGMALISATION à Bordeaux. 1971 : atelier à Paris, exposition à Dublin. Geronimo, Rien qu’un fil, Territoire et 056931 initient la série MINORITÉ ABSOLUE, qui sera enrichie jusqu’en 1973. 1972 : un manifeste chromatique : LES CHIEURS. 1973 :   décors et costumes du ballet ES de Michel Descombey, musique de Stockhausen. 1974 : « révolution des œillets » au Portugal. Fleurs et drapé rouges ; tiges, faucille et poing verts.

 

            « Sans couleur tout se ressemble », il n’y a pas de personnages. « Les couleurs en liberté sont aussi nombreuses que les fourmis ou les crevettes. Elles circulent sans se soucier des tracés ou des formes ». Ce sont des personnages, des « individus plastiques » à « organiser harmonieusement », à « faire cohabiter », à mettre en scène dans un baroque monde-théâtre et dans la solidarité entre artistes ou avec Solidarnosc. 1981 : New York. 1982 : Milan, chez Gianni Spadari et Pino Deodato. « Un dessin pour la maille, des projets de luminaires… Influence du Futurisme ! ». 1983 : avec Jean-François Bory, soirée d’adieu pour le 39e anniversaire de la mort de Marinetti (cf 591 n° 18). Messac cuisine et dessine les menus.

 

            Présupposé ou aboutissement de la figuration narrative : « La réalité de la matière est une fiction comme la couleur l’est pour un peintre ». Messac sculpte avec les matériaux du peintre : du plan au volume. Du volume au plan : en 1987, Arthur Elgort photographie ces sculptures pour Vogue. 1990 : pour Saint-Pierre de Caen, le nouveau buffet d’orgue débarrassé de gros tuyaux muets ressemble à un origami. En 2013, Messac aplatira des volumes pour les ranger comme des tableaux.

 

            1991, Carrare, « capitale du marbre et de l’anarchie ». 1992 : « trois sculptures de trois tonnes chacune », mais pour Messac « il n’y a pas de sculpture sans dessin ». Le projet Aronta part d’un croquis intitulé Lunatique. 1998 : 6 tonnes de marbre flottent sur un bassin pour Le dialogue d’Archimède. 2003 : Ivan renonce à la sculpture, se fait biographe de « Klepsévitch son ami, chien et artiste ». 2006 : il « est dans la vie, il la sublime. Il est Pop », et croque Warhol posant près de sa soupe. Son héros est plutôt Maïakovski, « Poète Révolutionnaire, Poète assassiné ». En 2007, il lui dédie l’exposition Le grand écart. La narration des figures et des couleurs commence par « Il était une fois le rêve d’un monde meilleur » : l’utopie au futur antérieur.

 

            2008 : Lisbonne, Pessoa et son sosie, l’artiste Gilles Ghez. 2009 : Luxembourg. 2014 : solidarité toujours. Pour une exposition au profit du Secours populaire, Ivan « photographie dans leur sommeil ceux qui n’ont que la rue pour domicile ». 2015 : Bruxelles, et Paris, galerie Boudoin-Lebon. Tout s’éclaire : il est « peintre, dessinateur, vidéaste et sculpteur » et découpe « du positif dans le négatif ». 2016 : Centre Pompidou. 2017 : hommage à la lutte des Amérindiens défenseurs de l’eau contre Energy Transfer Partner dans la réserve de Standing Rock. Ivan dispose d’un « atelier portable », d’une « factory à dessins », qui « met la peinture au niveau de la poésie ». 2018, chez des amis grecs, dessin d’une table et d’une étiquette pour huile d’olivre. 2019, vernissage à Pékin. « Toujours pas Maoïste ! ». Plutôt « décrocher la Lune sur un air de Sinatra » ou, en 2021, peindre Rauschenberg donnant à Burroughs sa première leçon de roller. Toujours pas d’« homme nouveau » en vue dans cette « pop politique » dont la « vie sans histoire » devient une « histoire pleine d’avenir » : à suivre !

 

 

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