Jean Daive, Devant l'Amstel, 8 clos par René Noël
Transit
Jean Daive écrit un poème en six parts, six mouvements pour accompagner deux livres de Francis Cohen en hommage à ce dernier et à Anne-Marie Albiach.
Un soir, le soleil, et pas seulement lui, avait disparu... nous qui avons marché ici et nous sommes rencontrés avec les bâtons ... nous avec nos noms, les imprononçables, nous avec notre ombre, la nôtre et l'étrangère écrit Paul Celan dans Entretien dans la montagne. Table rase autrement qu'une joie qui demeure et que l'interdit de la révolte antérieure à la nuit de cristal - au cours de laquelle Celan adolescent est en transit à la gare d'Anhalt de Berlin, écrit Andréa Lauterwein dans une monographie consacrée à Celan -, telle est la contrainte du poète de la Contrescarpe en avant-garde de tout humain, de toute humanité. Jean Daive et Anne-Marie Albiach pèsent dès lors l'œil et la loi(e) devant l'image. Jean Daive a marché sur les bords de la Seine avec Paul Celan (La condition d'infini, 5).
La couleur jaune est celle / de l'amant et de la prostitution. écrit Jean Daive. À Amsterdam, il va voir la rétrospective Vermeer et le musée Van Gogh. rouge et or l'enfance / se désaltère / par paliers (Figurations de l'image, Anne-Marie Albiach, p. 63) écrit Albiach dans L'EXCÈS : cette mesure, composé de quarante-huit poèmes inédits, spécialement écrits pour l'ouvrage, d'Anne-Marie Albiach et quarante-huit dessins de Richard Tuttle. (livre publié par Yvon Lambert, 2004). Des cercles où l'écrit ne se limite pas à une répartition des rôles entre dessins et mots, expose l'illimité.
Le milieu, la question des limites O et eau dessinés à la craie, marelle et margelles de bien des enfances, passionne les deux amis poètes. Ici, c'est la prostitution sous vitrine et / sous drapé et sous le néon. (p. 5). ... Ils se pressaient ici, non pas les profanateurs, ni les hordes de soldat..., ni les bédouins à la recherche de trésors, le Leica armé,... plongés jusqu'au bord des cercueils, figures de Brueghel venues de Hollande, d'Allemagne, du Danemark, de pays en tout cas où la chair rougit facilement, avant-bras brûlés par le soleil et nez rougeoyants... écrit Ingeborg Bachmann elle aussi toute aux commencements de toute vie, de tout art, dans Franza. Indépendamment de toute morale et aussi bien que la maison-bateau surprend, trouble Franza et l'horizon qui plonge au gré des remous du fleuve en haut des escaliers, les questions du socle, de la lumière, de l'éclairage, de la perspective, du geste, des paroles échangées entre Jean Daive et Anne-Marie Albiach participent des œuvres peintes et de l'écrit.
Pas de / mouettes qui virevoltent, (p. 5), évoque aux yeux du lecteur le vers de Paul Celan tournoyées de mouettes du poème TÜBINGEN, JANVIER, de La rose de personne, le Neckar vu par Paul Celan en compagnie d'André du Bouchet et la belle Dordogne du poème Le Périgord - offert à Mayotte et Jean Bollack -. L'art se substitue au temps. Histoire et précis des mémoires, la figuration et l'abstraction, les déséquilibres, la symétrie et la répétition sont autant de thèmes et d'enjeux qui absorbent les objets, tous les dehors, les apparences contraires, les reflux et les remous renforçant une certitude nécessaire à tout commencement.
Antérieure à tout tableau, à tout poème, les bâtons de Paul Celan, la limite, les traits allant tantôt du côté de la peinture, d'autres fois de l'écrit, Mains duelles et jumelles / de l'écriture et de l'image, j'y vois / l'accès à l'équivoque / jamais neutralisée - / ne sommes-nous pas, le réel et son double à chaque regard, teste la mémoire, est-ce toi / Anne-Marie ? (p. 5) va, mouvements et trajectoires d'actions passées enfuturés sous le signe d'Héraclite.