presque de Jean-François Bory par François Huglo

Les Parutions

01 sept.
2024

presque de Jean-François Bory par François Huglo

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presque de Jean-François Bory

 

            Un poème de Bartolo Cattafi sur « la ligne droite » dit qu’elle est « née ici / comme une herbe comme une bestiole ». De même, la parenthèse qui, dans presque de Jean-François Bory, n’est qu’ouvrante. Elle n’est pas seulement un signe, et le livre en accordéon n’est pas seulement le support d’un texte. Elle s’ouvre, en page 2 (herbe ? corne ? cil ?) sur le nom de l’éditeur, en minuscules : richard meier, le titre et le nom de l’auteur n’apparaissant qu’en pages 4-5, qui ouvrent une autre parenthèse, plus petite et ajourée comme les lettres qui suivront, alors que les premières étaient noires. Et revoilà la parenthèse noire, ouvrante toujours, en pages 10-11, mais plus grande et plus haute (noir de lune ?), portant en rouge le chiffre 2, et en pages 18-19, plus grande encore, portant le chiffre 3, en rouge toujours.

 

            Voici donc un livre qui ouvre des parenthèses. Par chacune il bifurque, il coupe court, il rompt. Le texte ne dit pas autre chose que ce qu’il montre : je, l’auteur, renonce « à ce que je songeais écrire ». Rien n’en « est maintenant dans le livre // pas même ces mots puisque c’est une histoire que je songeais poursuivre et que j’ai abandonnée / comme une métaphore nue à la fontaine ». La parenthèse lui donne un coup de vieux : « n’ai-je pas voulu voir vieillir mes mots ? ». Ce n’est plus qu’une « feuille usée dans la poche », comme un « temps passé depuis sur toutes ces idées et ce verbe et cet adjectif et moi-même ». C’est sans regret : « Qu’aurais-je vraiment ajouté à conduire le langage dans de nouvelles expressions ? ». À « voir mes phrases et mes idées faire des grumeaux ? ». Mieux vaut manifester, d’un geste, que « le merveilleux optimisme qu’on a au fond au début, c’est comme l’enthousiasme, ça ne se garde pas ». Et lancer, comme des dés, des mots devenus « incertains » : pzi nj kkkuhs llkasb louytôkjjuh…, répartis sur cinq pages. Chacun leur choisira le sens qui lui convient. Mais les points de suspension évitent, ou diffèrent à l’infini, la fermeture de la parenthèse.

 

            Ni herbe, ni corne, ni cil, la parenthèse ouverte n’émet pas un coup de dés. Elle jette dans le rien ce qui la précède, et s’ouvre sur le tout. Elle dessine et donne un grand coup de sabre.

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